Je viens d’acheter les derniers tomes du manga qui me manquaient, Anime store les proposant régulièrement en occasion. C’est donc le moment pour faire un petit topo sur cet excellent seinen, au ton très proche d’un shônen, malgré 2-3 scènes de sexe (pas très longues) et surtout plus de sang et de morts.
Kingdom adapte les guerres d’unification de la Chine qui ont eu lieu au 3ème siècle avant notre ère; une adaptation fidèle dans les grandes lignes, mais avec quand même des variantes importantes : El Sei, le roi de Qin apparaît bien moins sanguinaire ; Shin est à l’origine un esclave alors qu’il était le fils d’un esclave ; plusieurs combattants ou stratèges sont des femmes… Mais on peut violer l’histoire à condition de lui faire de beaux enfants et Kingdom se débrouille très bien.
La série est principalement axée sur les intrigues politiques et les guerres. Pour les premières, on a notamment les luttes entre Sei et son chancelier, Ryo Fui, pour le contrôle du pouvoir à Qin :
Ca donne lieu à un grand débat idéologique sur la façon de faire la paix, ce qui est l’objectif du monarque comme de son ministre. Mais le premier veut l’obtenir en unifiant la Chine par la guerre, le second par le commerce puisqu’il est un ancien marchand devenu immensément riche. Ca donne surtout lieu à de grosses intrigues, alliances et magouilles de la part des deux protagonistes, avant la conclusion qui arrive au tome 45. Les 7 états de Chine se livrent aussi régulièrement à des conflits et à des alliances avec, bien sûr, de nombreuses arrière-pensées pour ces dernières qui durent au mieux quelques années avant un autre retournement.
L’essentiel de la série concerne cependant les guerres et les batailles, dont l’enjeu se résume souvent à éliminer les généraux ennemis puisque, lorsqu’un général tombe, son armée s’effondre généralement dans la foulée. La stratégie employée vise donc souvent à pouvoir atteindre le général ennemi pour que le protagoniste principal de la bataille puisse l’atteindre et l’éliminer, ce qui donne souvent lieu à des duels épiques – même si certains généraux sont plus des stratèges que des combattants et se font alors one-shoter. D’autres en revanche sont des monstres physiques, comme Moubu, un général de Qin, ou Houken, principal antagoniste (sur le plan physique du moins) de la série jusqu’au volume 58.
L’aspect seinen est visible par l’importance de la stratégie et des alliances, avec notamment Riboku, le plus grand général de Zhao. Il est visible également par le fait que certaines atrocités ne sont pas cachées : Sei fait écarteler certains révoltés ; Kanki, un des généraux de Qin et donc faisant partie du camp des héros de la série, fait la démonstration de goûts artistiques assez particuliers :
Mais l’aspect shônen me semble encore plus présent. On en retrouve beaucoup d’éléments, au premier rang desquels son héros principal, Shin. Celui-ci est donc à l’origine un orphelin, esclave, qui a un grand rêve, devenir le plus grand général sous les cieux (roi des pirates, hokage ou champion du mondede foot étant déjà pris). Comme tous les héros de shônen, outre une grande ambition, il a donc des origines modestes (pour le coup, je serais surpris qu’on découvre ensuite que ses parents avaient une origine spéciale, cela n’étant pas du tout abordé), un mentor qui meurt assez rapidement, une certaine moralité (il ne veut pas qu’on touche aux civils ou aux prisonniers qui se rendent, ce qui le met souvent en porte-à-faux par rapport à Kanki), des amis-rivaux… Il est intéressé par la gloire mais pas tellement par l’argent puisqu’il partage équitablement ses récompenses avec ses hommes et porte toujours ses vêtements de clodo du début de la série, à la grande consternation de ses amis. On ajoutera aussi que, même s’il fait de gros progrès en terme de stratégie, c’est loin d’être une flèche et que, même si ambiance de corps de garde aidant, il va se vanter et multiplier les propos et quelques gestes grivois, il est toujours, comme dirait Lancelot, « une grosse pucelle. »
Les combats ne sont pas non plus très réalistes, certains coups d’épée ou de guandao de personnages faisant voler des têtes par paquet de 10 ou repoussant des cavaliers avec leurs chevaux sur plusieurs mètres. Les personnages ont aussi des looks très spéciaux. J’aime beaucoup la barbe d’Ouki (ou, dans un style plus européen, la moustache de Tou) ou les looks de certaines armures, comme celle d’Ousen ; les guerriers des montagnes ont aussi des armes et des vêtements bien à eux.
L’humour est aussi très présent, reposant souvent sur la stupidité de Shin – mais pas mal d’autres personnages ne sont pas en reste, comme Tou avec ses sarcasmes sur Rokuomi, son subordonné ; ou les hommes des montagnes qui rêvent tous de coucher avec leur reine Yotanwa – et se font systématiquement éconduire.
Cela fait de Kingdom un excellent manga, parfois dur (on parle de guerres, avec leurs lots d’atrocités) mais aussi souvent épique, drôle et touchant. Et on apprend aussi des choses sur l’histoire de la Chine antique – même s’il faut aussi prendre le manga avec des pincettes.