Les manga "tranche de vie"

16 sujets de 81 à 96 (sur un total de 96)

Posté dans : Manga & BD

  • Sharbettt
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    Sharbettt le #527623

    Hé les gens ! Vous vous souvenez de la blague la plus drôle de GTO ?

    Mais non, pas Onizuka qui montre ses fesses ! La Cresta non plus ! Professeur Chiwawa ? Non ! Le costume de Devilman ? Nope ! le « Alors les droits de l’homme… c’est les droits qu’a l’homme… comment on lit ce kanji ? » Toujours pas ! Allons ! Personne ne se souvient de cette blague ?

    « Pourquoi elle est couverte de sang comme ça ? Elle a ses règles ?

    -Vu la quantité, ça doit être le deuxième jour ! » HAhaHAhaHA ! Le deuxième jour, c’est tellement vrai ! Hahaha… OK, je suis la seule à rire, je crois…

    Bref ! Les règles ne sont pas seulement un prétexte à vannes débiles ! un manga entier s’y intéresse désormais, il est titré Ragnagna et moi, et signé Ken Koyama. Les rumeurs disent que l’auteur serait un homme.

    Imaginez : et si les règles étaient une personne ? Elle arrive chez vous à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit en disant « Coucou, me voilà ! » et cohabite quelques jours avec vous. Elle ne manque pas de vous bourrer de coups et de chambouler votre appétit et votre santé afin de rendre ces moments inoubliables !

    Ragnagna et moi explore avec humour le vaste sujet des règles en proposant plusieurs tranches de vie. Elles abordent la souffrance (ou non) que les menstrues provoquent, la gêne (ou non), les perturbations de l’appétit, de l’humeur… certains chapitres sont moins convaincants que d’autres, mais le manga reste drôle et tendre envers les personnages. Vous y apprendrez entre autres comment les premières serviettes japonaises ont été conçues et par qui. Vous saurez aussi que le Japon a pratiqué l’exil menstruel.

    L’exil menstruel, c’est quoi ? Oh, c’est simple. Une femme réglée est impure et doit donc vivre à l’écart le temps que le flux s’écoule. Cette coutume existe toujours, au Népal par exemple, bien que critiquée pour sa potentielle dangerosité : il arrive que des femmes ou des jeunes filles meurent de froid (c’est gentil de faire une cabane, mais il faut la chauffer), d’asphyxie (c’est gentil de chauffer, mais il faut prévoir une sortie pour la fumée) ou de morsure de serpent (c’est gentil de… non, rien).

    Alors, si la pratique peut faire froncer bien des sourcils, dont les miens, elle n’est pas condamnée purement par le manga : une femme est frustrée de voir sa vie s’interrompre bêtement (ce qui peut se comprendre), l’autre au contraire se réjouit de pouvoir se reposer au calme (ce qui peut tellement se comprendre aussi). Bref, la coutume comme le phénomène biologique reste teinté d’ambivalence : ça peut être bien vécu… ou pas.

    L’exil menstruel n’a pas perduré au Japon au-delà du début du XXe siècle.

    Pour en revenir à Ragnagna, quel personnage antipathique ! Elle cogne, tabasse, elle rend physiquement malade (et ce n’est pas de la fiction)… et pourtant… pourtant, ce n’est pas elle le problème*. Je trouve intéressant que le manga montre en négatif que le cycle en lui-même n’est pas néfaste ; ce qui est néfaste, ce sont les préjugés, les moqueries, le mépris, la honte, l’absence de soutien ou de solutions en cas de douleur ou d’inconfort. Le manga procède avec un humour cartoonesque réjouissant, à base de caricatures, de personnifications et d’accessoires démesurés !

    Toutefois, je regrette un peu qu’il perpétue le cliché « pendant les règles, pas de rapports sexuels ». Je n’apprécie pas non plus les petites illustrations décrivant Ragnagna comme une créature s’inquiétant pour les femmes : faut pas me prendre pour une clone, elle fait son taff, inflige douleurs et souffrances et ne se soucie nullement du bien-être des femmes. Certains persos secondaires me semblent peu dignes d’intérêt.

    Malgré ces réserves, Ragnagna et moi garde le mérite de parler avec relaxitude et humour d’un sujet à tort considéré comme sale et répugnant, et de jeter un pont de compréhension entre les genres. Rien que pour ça, ça valait le coup !

    *bon, sauf en cas d’endométriose ou de maladie lourde, hein…

    Et comme j’aime finir mes posts avec des chansons… si le sujet vous répugne ou vous gêne d’une façon ou d’une autre, ne lancez pas la vidéo.

    [youtube https://www.youtube.com/watch?v=g0env-MdgRo&w=560&h=315%5D

    Lord-Yupa
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    Lord Yupa le #527667

    Ragnagna et moi semble très drôle, d’après les quelques pages que j’en ai lues (surtout pour un homme, pas concerné !). A noter que Marion Montaigne dans l’excellent Tu mourras moins bête traite le problème des règles de façon très précise (et drôle aussi).

    Pour revenir aux manga (je déteste mettre un “s” de pluriel français à un mot japonais !), on aborde avec le tome 4 la période presque finale du parcours autobiographique d’Akiko Higashimura dans Trait pour trait puisqu’il n’y aura que 5 volumes. Toujours aussi passionnant à tous les niveaux : le réalisme de la vie de l’apprentie mangaka, le relationnel typiquement japonais, l’humour ravageur de notre auteure, son autodérision et sa nostalgie quasi-proustienne. Quelle belle déclaration d’amour platonique pour son extraordinaire prof de minuscule école privée !  On a l’impression que le sentiment qu’elle ressent pour tout ce qu’elle lui doit dépasse de loin pour elle le plaisir qu’elle a à retrouver (très épisodiquement d’ailleurs) son “petit copain” Nishimura. En prime, on a quelques aperçus de Miyazaki, ville du Kyushu où je regrette bien de n’avoir pas séjourné plus de 3 jours, et d’Osaka que je connais par coeur. La jeune mangaka s’y installe et voit sa carrière progresser rapidement !

    La suite  (et fin, hélas !!) !

    Sharbettt
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    Sharbettt le #527679

    Bonjour ! Comme je lis et/ou achète pas mal de mangas présentant de la vie en tranches, je reviens avec un autre titre, que je vous conseille sans aucune réserve !

    Aujourd’hui je vous présente Daruchan, ou la vie ordinaire de Narumi Maruyama, employée intérimaire, de Lemon Haruna.

    Narumi ressemble à n’importe quelle jeune femme de 24 ans : elle travaille, prend les transports en commun… cependant elle cache un Grand Secret : elle ne fait pas partie du genre humain. Elle se présente au lecteur comme une extraterrestre, une habitante de la planète Daru-Daru…

    Ne vous méprenez pas cependant : l’histoire ne joue ni dans le registre de la SF ni du fantastique. Daruchan est un manga qui parle de différence, des rapports avec autrui, de la recherche du bonheur et de la place que l’on occupe en société. Et il le fait avec poésie, tendresse et délicatesse (« Que demande ton âme ?! » disent les Inconnus).

    Allons droit au but : j’ai adoré ce manga. Pas de trames partout autour des persos, pas d’onomatopées écrites en gros : les dessins restent calmes, même lorsque les émotions deviennent puissantes. Il se dégage des planches une forme de douceur qui porte vers la mélancolie ou la joie, selon le contexte de Daru-chan.

    J’ai beaucoup aimé me mettre dans la peau de Narumi et d’apprendre ce que cela fait de ne pas posséder les codes, avec ce que cela peut apporter d’angoisse. Narumi est inadaptée, se débrouille comme elle peut pour avoir la bonne réaction au bon moment. Elle n’y peut rien, elle est comme ça.

    En revanche, « inadaptée » ne veut pas dire « inadaptable » : elle développe de stupéfiantes capacités de mimétisme pour passer inaperçue et réagir comme il convient au moment où il le faut, au point de se perdre un peu : est-elle sincère ou non ? Elle-même ne sait pas toujours. Qu’attend-elle de sa vie, que veut-elle ?

    Est-elle atteinte du trouble du spectre autistique ? Cela n’a aucune importance. Ce qui compte et que le manga raconte, c’est l’histoire d’une jeune femme en décalage avec autrui et avec le système dans lequel elle vit. L’héroïne est consciente de cette différence et part en quête d’elle-même.

    Daruchan est un conte sur l’acceptation de soi, la tolérance et l’ouverture aux autres, sans lourdeur ni niaiserie. Un fort beau livre assurément, dont le message fort et optimiste m’a laissée rêveuse et souriante.

    Lord-Yupa
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    Lord Yupa le #528382

    Ragnagna et moi semble très drôle, d’après les quelques pages que j’en ai lues (surtout pour un homme, pas concerné !).

    Concernant ce manga remarquable, je voudrais comme j’en avais l’intention il y a quelque temps (puis happé par d’autres choses) rectifier le ton très désinvolte, voire d’allure provocante, de mes lignes précédentes. Mon idée n’était que d’humour “odieux connard”, au deuxième degré, mais il se peut qu’on le prenne au premier, ce qui n’est pas du tout le cas !! Pour avoir été jadis l’ami proche d’un groupe de jeunes femmes lesbis et donc peu indulgentes aux hommes, je sais très bien à quel point et sous quels hypocrites prétextes ces derniers rabaissent la condition féminine, bien que parfaitement naturelle, et les règles même leur servent ! Point n’est besoin d’être “déviante” pour s’en rendre compte, évidemment. Ceci est une honte, et je me dédouane totalement ici de toute ironie à ce sujet, je tiens à le préciser !!

    Lord-Yupa
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    Lord Yupa le #528438

    Un pigeon à Paris, de Lina Foujita, nous est proposé par Glénat. Le thème est le même que les 3 volumes de JP Nishii narrant lui aussi les chocs culturels et désarrois des Japonais venus s’installer à Paris. Bien qu’elle ne soit nullement grosse d’après photo des dernières pages (mais gourmande) Lina s’auto-caricature sous l’aspect d’un pigeon obèse. En 2013, tout près de la trentaine, lors d’un mariage d’amie, elle constate que ses copines sont soit très bien insérées professionnellement, soit en instance de mariage. Sans amour et sans emploi fixe, elle décide alors de partir “tout oublier” à l’étranger. Or un système “visa-vacances-travail” offre aux Japonais de vivre 1 an dans d’assez nombreux pays. Diplômée en anglais, elle vise d’abord l’Angleterre, mais une amie déconseille à notre gourmande la nourriture “immonde” là-bas, et la destination est surbookée, tous les Japonais ayant appris (mal) l’anglais au lycée. La France a signé les accords. Lina est justement une grande fan du peintre Foujita de l’Ecole de Paris ; de plus elle adore le théâtre exclusivement féminin Takarazuka, dont un des grands succès est “La Révolution française”. Enfin, il y a le prestige énorme de la baguette et du vin rouge… Elle parvient à partir juste au moment où une éditrice de manga l’a repérée et lui propose un contrat d’envoi rémunéré d’un “Journal de Paris”, la chance ! Bien sûr moult mésaventures l’attendent, mais le décapant humour d’auto-dérision de Lina est vraiment poilant, et ça n’est jamais bien grave. Les grèves, les crottes de chien partout, les électriciens partis en vacances, les voleurs de place réservée à l’opéra, le steak tartare, les toilettes publiques dégueus, etc. Bien sûr aussi, Lina rencontre des otakus français, invariablement fans de DBZ et de One Piece quel que soit leur âge. Bref, on rit et on en apprend éventuellement sur le hiatus France- Japon !

    Lord-Yupa
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    Lord Yupa le #529241

    La Cantine de Minuit 10 vient de sortir chez nous (merci Le Lézard Noir !)

    Toujours aussi réjouissant , plein d’empathie et de situations tragi-comiques, exactement comme dans la vraie vie des gens, quels qu’ils soient comme ici ! Les courts chapitres, chacun avec son petit plat populaire et de saison, tournent dans ce volume un peu plus autour d’histoires de couples, parfois non hétéros, ces derniers montrant bien qu’au Japon règne là-dessus la même acceptation qu’en France, avec les mêmes limites. A propos d’âge des épouses, une case p.106 nous montre le couple présidentiel Macron, “espoir des femmes mûres” (le manga a été dessiné en 2018). Un article écrit en 2017 par Yarô Abe sur ses souvenirs de base-ball lycéens nous apprend qu’il devait cette année-là friser la soixantaine (comme sans doute le patron de la Cantine) et l’a sans doute atteinte puisque nous sommes 4 ans plus tard. Et l’on sent dans le manga toute l’expérience humaine et la tolérance auxquelles parviennent certains seniors (pas tous, la connerie peut aussi augmenter avec l’âge !)

    Abe révèle une mode récente ; les bars-partage. Les femmes y partagent en effet gratuitement une table avec un groupe du sexe opposé. Si elles ne s’entendent pas avec l’autre groupe, elles peuvent changer de table. Le but étant évidemment de trouver l’âme-soeur… Comme toujours avec le Japon, les nippophobes diront que ça traduit le désarroi et le (prétendu) sexisme d'”une société en crise” ; les nippophiles, que ce n’est pas un remède stupide à la solitude. Au fait, je l’ai déjà signalé, à Paris 50% de la population vit seule, et les femmes souvent avec enfant(s) à charge…

    Lord-Yupa
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    Lord Yupa le #530819

    Trait pour Trait , suite et fin avec ce 5e tome.

    Spoil : à la fin du tome 4 le prof de dessin Hidaka par un coup de fil a appris à la jeune Higashimura qu’il va mourir d’un cancer dans 4 mois. Celle-ci est en plein boom de ses premiers succès en manga et va tenter de jongler entre Tokyo et Miyazaki à Kyushu. Les pages 102 à 104 sont bouleversantes : j’y suis allé de ma petite larme, impossible de résister.

    Akiko Higashimura mêle génialement le récit réaliste, ses souvenirs, son introspection affective, et certains gags imprévisibles (car la vie est une tragi-comédie), notamment sur ses vaines tentatives de nuits blanches de travail chez ses parents. Elle se dénonce elle-même avec une grande sincérité mélancolique, et il faut admirer aussi son trait léger, sobre, efficace. Un grand manga, qui fut achevé en 2015.

    Lord-Yupa
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    Lord Yupa le #533025

    La Cantine de Minuit 11 est sorti en français, à ma grande joie !

    Toujours aussi remarquable évidemment. Loin de nos si lourdingues sermons du “vivre-solidaires-tous-ensemble” , toute la démonstration ici est d’empathie envers les gens de toutes sortes qui cherchent le bonheur, se trompent, recommencent, parfois réussissent, parfois non.

    Un exemple, celui de “Mellow”. Shino, une jolie fille, attirée par le maïs en friture qu’elle adore, entre dans la cantine. Deux habitués âgés s’exclament “Mellow ?!”, puis expliquent que vers 1981 /82, dans un café de Kabukichô (le quartier chaud !) travaillait une adorable serveuse  à grand succès qui ressemblait extraordinairement à Shino. Et elle : “Je peux prendre cela comme un compliment alors.” Mais après son départ, les clients expliquent que Mellow travaillait dans un “café sans culotte”, où en effet les serveuses en minijupes n’en portaient pas et évoluaient sur un sol réfléchissant (certaines gardant un collant couleur chair).. Quand Shino revient à la cantine avec son copain pour lui faire goûter le maïs en friture, elle signale qu’il s’est renseigné sur Mellow et a appris ce détail. Elle revient à nouveau, très déprimée car elle va rencontrer avant leur mariage la mère de son copain : lui s’en fiche, mais elle a travaillé dans un bar à hôtesses et a connu des “sales trucs”, donc elle est sûre du refus de la mère.  Le week-end suivant entre un patron de “host club” avec une dame un peu âgée. Par hasard, Shino arrive alors, et rougit : l’homme la reconnaît sous son nom d’hôtesse, Shion ; et la dame, elle, reconnaît la jeune fille que son fils lui a présenté une fois. Du coup Shino raconte tout son passé ; la mère de son copain lui dit alors : “Quand une fille vit seule, il lui arrive toutes sortes de choses… moi aussi j’ai connu ça… mais oublie. Tu as le droit d’oublier. Je compte sur toi pour mon fils”. Et Shino, très émue : “Vous voulez bien… d’une fille comme moi ?? ” – “Oui, toi et personne d’autre”. Et le patron du host club : “Mellow, je suis content que tu aies trouvé ta belle-fille”. Stupéfaction de toute la cantine : “Mellow ?! ”

    Belle histoire. En note on apprend que les cafés sans culotte ont été interdits dans les années 80 (au désespoir de Ryô !). Ce qui reste typiquement japonais, ce sont bien sûr les bars à hôtesses (qui n’ont pas plus à voir avec la prostitution que notre Crazy Horse), et les host clubs, leurs équivalents masculins.  Egalement le fait que l’accord de la belle-mère quand une jeune fille veut épouser un fils de la maison est absolument crucial comme ici (le beau-père n’a pas voix au chapitre). Autrefois la jeune mariée était même testée sans complaisance  sur la qualité de ses services par la mère du mari, ce qui conduisait à pas mal de divorces (ils ne furent jamais interdits aux épouses, au contraire de la France !).  Comme encore aujourd’hui dans la majeure partie du monde, le rôle de l’épouse était en effet la tenue irréprochable de la maisonnée. Histoire ancienne au Japon, sauf dans le monde rural  du Nord du pays…

    Lord-Yupa
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    Lord Yupa le #533579

    Flow est un charmant récit qui, bien que fantastique, est clairement à classer ici. C’est une oeuvre de la mangaka Yuki Urushibara, autrice du remarquable Mushishi, adapté en série animée. Les tomes 1 et 2 viennent de paraître simultanément en français.

    Les “Flows” sont des distorsions spatiales qui surviennent soudain dans la réalité quotidienne la plus banale, annoncés par une sorte de brouillard. Il s’agit d’une oscillation infime de la matière, et celle-ci peut par exemple multiplier par trois ou quatre un croisement de rues, changer un bloc d’immeubles en forêt, arrondir dans une rue tous les angles droits extérieurs ou intérieurs, etc. Ce n’est jamais d’une gravité extrême, mais la durée du phénomène va de quelques heures à 90 ans ! Hirota est un jeune homme (sosie du spécialiste en mushis de Mushishi), décontracté et désordonné, mais c’est un professionnel appointé par la mairie pour résoudre les flows. Son feeling, l’ampleur du flow, son “odeur”, lui permettent sur place d’évaluer avec justesse la durée du trouble. Ce dernier est la résonance d’une émotion humaine à la source : retrouver la personne et la faire s’extérioriser suffit au retour à la normale, ainsi qu’agirait le Dr. Freud. Hirota a deux auxiliaires : un chat-indicateur très efficace, et une assistante que vient de lui adjoindre la mairie, Chima, petite binoclarde à chignon ; celle-ci, ex-employée “vieille fille” de 35 ans, a été ramené à ses douze ans par un flow, mais comme Hirota ne l’a pas vu, il ne peut lui dire pour combien de temps. Soigneuse, posée et normative comme une adulte un peu ringarde, elle passe son temps à essayer de ranger l’appartement du bordélique Hirota et au début le soupçonne à tort de charlatanisme, puis conclut au simple jmenfoutisme du gaillard, ce qui laisse place à l’humour. Une poésie se dégage de ces situations aux arrière-plans psychologiques, riches aussi en paysages citadins typiques du “Japon profond” superbement dessinés.

    A lire si vous aimez ça !

    Lord-Yupa
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    Lord Yupa le #534863

    Je reprends sur Flow, le tome 3 et final étant paru en français. Le récit aussi réaliste sur la vie ordinaire au Japon que décalé par les “flows”, se termine ici par une révélation de taille, qui fait appel à l’arrière-monde et au clash temporel. Avant cela se développent les vagabondages d’un appartement, devenu baladeur à cause de certaines frustrations de la petite famille qui y vit, et aussi la rupture de tout un quartier d’une grande ville portuaire.

    C’est brillant , intelligent, tout en finesse psychologique, d’un dessin contemplatif et poétique façon Yuki Urushibara !

    Lord-Yupa
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    Lord Yupa le #536064

    Peu de gens s’intéressent à cette rubrique-ci,  ce qui m’étonne un peu. Il est vrai que les éditeurs français nous traduisent et publient de moins en moins de mangas de ce genre, préférant nous déverser une avalanche d’histoires de zombies, de démons, de pouvoirs magiques, etc. Il est vrai qu’ici ça marche, apparemment. Ce qui ne prouve absolument rien sur les grands succès de publication au Japon.

    En tout cas, La Cantine de Minuit fort heureusement a son public, puisque le volume 12 vient de nous être fourni par Le Lézard Noir, à ma grande joie.

    La première historiette, puisque comme d’habitude il y en a une trentaine, concerne Mirei, la fille d’une ex-chanteuse immigrée de Taïwan et repartie là-bas. Comme sa mère, elle adore et commande des “Wiener en forme de poulpe” (de petites saucisses de Strasbourg taillée en bas en “tentacules”). Or, un des personnages récurrents du manga est Ryû, un chef de gang yakuza, en réalité très humain (il lui arrive de faire tabasser par son gang un ou deux salopards) et qui commande toujours cela. La mère de Mirei lui a fait aimer ce plat, qu’un homme l’ayant jadis aidée à Shinjuku lui avait fait découvrir. Quand Mirei revient, Ryû est justement là. Mirei, le voyant devant ses habituelles Wiener, lui demande si par hasard il ne connaîtrait pas une chanteuse nommée Hidemi Ryû. Il répond par deux fois “Non… cela ne me dit rien”. Par la suite, la jeune fille repartie, le patron de la Cantine y fait une allusion étonnée, et Ryû répond “Il vaut mieux qu’elle ne sache rien sur sa mère”. Puis il raconte que Hidemi, sans grand succès comme chanteuse, avait dû travailler dans un club dont le boss forçait ses employées à se prostituer. Hidemi s’était ruiné la santé, puis tomba enceinte ; pris de pitié, Ryû avait négocié sa démission auprès du boss, puis l’avait aidée à regagner Taïwan. Lorsque Mirei revient à la Cantine, le patron lui demande ce qu’est devenue sa mère, et elle lui dit qu’elle s’est remariée et semble super heureuse. Le non-dit de l’histoire, c’est que le premier mari fut sans doute le yakuza, vu le nom “Ryû”…

    Très fine histoire aussi, celle d’une mangaka spécialisée dans les récits horrifiques. Le patron est assez curieux du sort de ses clients, mais reste d’une grande discrétion. Parfois il fournit une aide indirecte. Un homme très attachant !

    Cyril
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    Cyril le #536071

    J’ai eu un peu peur au début du chapitre 331 avec le message d’annonce – qui était en fait lié à l’actualité. Mais j’ai ensuite beaucoup aimé l’attitude des habitués, montrant le lien qu’ils ont établi avec le patron et son restaurant La fin du volume (car il n’y a plus que quelques chapitres ensuite) montre l’adaptation de l’activité du restaurant face à ce nouveau contexte, ce qui offre des variations intéressantes. Même sans ça, de toute façon, le concept de la série fonctionnait toujours très bien en nous offrant régulièrement des moments simples, drôles et touchants.

    Lord-Yupa
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    Lord Yupa le #536158

    Oui, cher Cyril, à la 331ème nuit, l’annonce inquiète !! En fait ce sont dix jours de fermeture, pandémie oblige…  Et ensuite le patron doit tenir compte des mesures anti-Covid, dont certains horaires à respecter, ce que j’ignorais malgré les quelques détails que m’ont fournis mes amis là-bas ; les directives n’ont pas été exactement les mêmes qu’en France, sans énormes différences évidemment. Comme on le voit, tous les clients arrivent masqués, et on mentionne la “distanciation sociale” dans les quelques épisodes suivants. On ne sait pas en quoi les horaires “minuit / 7 heures du matin” sont modifiés par le patron, sauf qu’il ouvre plus tôt. Oui Cyril, émouvante réunion dehors de tous les habitués, même Ryû le caïd yakuza ! Au lit avec une fille, elle lui demande “A quoi tu penses ? à une autre fille ?” Mais en fait il regrette ses petites saucisses Wiener chez le patron…

    On peut être étonné de la dernière page, qui attribue en apparence à ces volumes 23 et 24 de Shinya Shokudo la date “2007”, mais c’est celle du copywright du tout premier volume : clairement nous sommes ici après 2020 ou 2021. Vivement la suite !

    Lord-Yupa
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    Lord Yupa le #537980

    Tiens, je croyais avoir déjà fait l’article ici pour La Maison des Maiko mais je ne retrouve pas mon message précédent. Je veux annoncer la parution du tome 3 chez Noeve Grafx. C’est tout à fait de la “tranche de vie”, celle d’adolescentes qui, diplômées du collègeà 15 / 16 ans, ne rejoignent pas un lycée mais une yakata dans l’espoir de devenir des geisha (geiko à Kyôto) accomplies. D’abord, après période d’essai, elle deviennent maiko, apprenties, et vivent en communauté dans une maison d’apprentissage. Nous suivons deux bonnes amies venues d’Aomori, à l’extrême Nord de Honshu, Kiyo et Sumire. Cette dernière est acceptée, mais Kiyo, raide et maladroite, est recalée. Juste au moment où elle refait son bagage, la cuisinière de la maison, âgée, devient trop fragile des lombaires pour continuer. Au pied levé, Kiyo la remplace et toutes les maiko applaudissent à son talent, appris de sa grand-mère. Elle est donc nommée makanai , à la fois gérante des réserves et cuisinière. La vie s’écoule ensuite au rythme des saisons, des rites et règlements de la yakata . Les filles doivent étudier la danse, la musique, la littérature, les jeux, tout pour désennuyer les (riches) clients. Depuis 1945, cela n’a plus rien à voir avec la prostitution, mais c’en était beaucoup moins distinct avant. Comme Kiyo est l’héroïne centrale, il est beaucoup question de cuisine, et l’auteure nous gratifie à chaque fin de court chapitre d’une recette ou d’un petit truc perso pour bien réussir un plat (je retiens les onigiri grillés !). Les maiko mènent une vie assez contrôlée : elles n’ont pas le droit de sortir en tenue, car elles seraient massivement photographiées, or les séances photo sont payantes (une importante source de revenus pour la “mère” (la patronne de la Maison). Elles ne peuvent avoir de portable, ni d’ordinateur. Mais dans le manga tout se passe très gentiment, c’est même limite mièvre. Si l’on veut un ton plus adulte (non sans quelques jalouses rivalités), il faut se tourner vers l’adaptation live japonaise, Makanai diffusée en ce moment sur Netflix. L’avantage de cette série, comme du manga, c’est de décrire assez souvent des “spots” de Kyôto… et de superbes kimonos !

    Lord-Yupa
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    Lord Yupa le #538189

    Sirius, Twin Stars est un manga… espagnol, publié par Glénat, un one shot ordinaire à 7, 90 euros. L’autrice Ana C. Sanchez a si parfaitement assimilé le style manga qu’il est dessiné et publié dans le sens de lecture japonais, et qu’au premier abord je ne me suis pas aperçu qu’il se déroulait sur la côte de Murcie en Espagne !

    SPOILS  : Les héroïnes sont deux jolies lycéennes en vacances, notamment Dani, qui a été une brillante joueuse de tennis junior ;  mais elle a subi un grave malaise cardiaque en plein match, une opération chirurgicale à coeur ouvert, et un “burn out” à cause de la pression excessive de sa mère, une ex-championne. Dani a perdu toute motivation, tout but dans la vie et ses parents affligés l’ont confiée pour l’été à son cousin adulte dans la maison de vacances familiale sur la côte. Le cousin est très occupé par sa préparation d’un concours, et un soir Dani se fait agresser par 4 filles du même âge dont l’une la brutalise au point que, jetée contre un mur, elle fait une syncope cardiaque. Blanca, la responsable (qui a été droguée par les trois quasi-délinquantes), affolée, l’amène à l’hôpital sur son dos, puis tente de s’ excuser par la suite. Toutes deux alors nouent amitié, chacune découvrant les problèmes de l’autre. Blanca s’entend très mal avec sa soeur adulte qui veille sur elle au camping, cependant elle a une passion dévorante : l’astronomie, et spécialement l’étoile Sirius. Cette passion stupéfie Dani au point qu’elle réussit enfin à répondre aux éternels appels du portable de sa mère en pleine dépression. Blanca et Dani ne peuvent plus se passer l’une de l’autre et s’embrassent. On les retrouve quelques années plus tard, l’une en fac d’astronomie, l’autre jeune championne de tennis, vivant ensemble en couple amoureux. C’est émouvant, pudique, riche de très fins dialogues sur les sentiments, on passe un bon moment. Au passage on a un regard sur la vie en Espagne moderne (peu exotique pour nous Français).

    Lord-Yupa
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    Lord Yupa le #540416

    Cantine de Minuit n° 13 , actuellement dans nos bacs !

    Face à la crise du Covid, le patron (qui avait même dû fermer temporairement) a été contraint de suivre les mesures sanitaires : comme tous les bars et restaurants de Tokyo, ouverture seulement de 17h à 20h, et interdiction de servir de l’alcool (on peut supposer que le but était d'”aérer” / réduire au maximum la clientèle sans aller jusqu’à fermer les établissements). Mais heureusement p. 109 on apprend la fin de l’état d’urgence sanitaire en octobre 2021, et la “Cantine” reprend ses habitudes, ouverte de minuit à sept heures du matin. Jusqu’au milieu de ce volume 13, on voit les clients entrer avec un masque. Comme toujours, hommes ou femmes viennent demander un petit plat “de saison” typique et populaire au Japon, bien différent des sushi et sashimi servis plutôt dans des restaurants huppés plus chers (où l’on fête des événements ou invite des étrangers). On rencontre à la Cantine un auteur de romans historiques, une “idol underground”, un tombeur de filles qui les choisit moches, une éditrice qui prend sa retraite, une joueuse de saxophone connue qui séduit une jeune groupie, et des habitués comme la corpulente gourmande Mayumi, le chef yakuza Ryû, l’acteur porno Erect Oki (= “grosse gaule”), etc. Chassés-croisés, retrouvailles inattendues, quiproquos… mais souvent en somme la fin de l’anecdote est positive. Tout comme le patron, Yarô Abe sans écarter les petits drames ou les deuils, jette un regard sans noirceur, humain, attendri même sur la vie cahin-caha (et si vraie ) des clients. Et au contraire des imbéciles dénonciateurs du “système japonais”, on ne peut que le constater : ces gens, hommes et femmes, sont exactement comme nous, dans un monde semblable à s’y méprendre !

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