Parce qu'il n'y a pas que les professionnels qui possèdent du talent.
Parce que créer est un acte sublime.
Parce que faire partager participe au bonheur commun.
Et surtout parce que sans l'art l'humain n'est rien.
Voici l'endroit où poster vos créations. Peu importe le thème, la nature de l'œuvre, tant que vous en êtes l'auteur cet espace est pour vous.
Et je commence avec un texte que je viens d'écrire:
Petite, j’avais peur du noir.
J’ai eu 37 ans il y a deux jours. Anniversaire bateau: déprime, gâteau, cadeau et déprime encore. J’ai l’impression d’avoir encore gagné des rides. Seuls les hommes d’un age avancé se retournent quand je passe dans la rue. Je déteste ma vie.
Il fera bientôt nuit, mais le soleil est encore là, me couvrant encore de sa douce chaleur comme pour me faciliter les adieux. J’en suis un peu triste mais la nuit, en ville, les soleils artificiels prennent la relève. Si dans les villages on sent la lumière diminuer jusqu’à ne presque plus exister, en ville les soleils sont assez proches les uns des autres pour donner l’illusion d’un soleil éclairant toute la cité sans pour autant enflammer le ciel.
Je suis supposée passer voir ma mère à l’hôpital. Rien de bien grave mais des tests de routine. Ma petite sœur y est. On se passera de moi. Je veux marcher sous les soleils artificiels. Petite, j’avais peur du noir.
Les heures sont passées rapidement. Mon I-pod sur les oreilles, j’ai parcouru les quais dans toute leur longueur. La musique me fait oublier mon mari qui ne m’attend probablement pas, trop occupé à jouer sur sa console. Il a essayé de m’initier mais je n’accroche pas. Serais-je déjà vieille? Mais je ne veux pas penser à ça, j’augmente le son de mon I-pod et Radiohead reprend ses droits.
Après un bref passage sur un banc je sens que la fatigue m’a rattrapée. Je décide de rentrer doucement, je ne veux pas rapprocher ce moment ou ma vie me jaillira de nouveau au visage, je veux m’habituer à l’idée. Bientôt je serai devant ma glace. Une crème exfoliante, puis une crème anti-age et hydratante. Le tout précédé d’une douche. Mon visage et mon corps me rappellerons alors que ma jeunesse n’est plus. Je ne suis pas encore âgée, mais la pente est descendante. Je me vois déjà dans un fauteuil roulant. Mâchonnant mon dentier. Dire qu’il y a si peu de temps pour ma mémoire j’appelais ma mère dans les ténèbres la suppliant de laisser la porte ouverte. La sienne et la mienne. Elle refusait toujours. Mais dès qu’elle était endormie mon père me soulageait de ma peine et de ma peur. Il ouvrait les deux portes. Petite, j’avais peur du noir.
Il ne me reste plus beaucoup de chemin à faire. Yann Tiers en pris la place de Radiohead. Le volume est plus bas.
Le soleil s’éteint. Panne de courant. Je me sens mal à l’aise. Mon foyer me manque subitement. Je suis pressée de rentrer. J’ai besoin de sentir le contact de la peau de mon mari. J’ai envie de revoir ma mère, je regrette de ne pas être allé la voir. Je mets ce que j’ai de plus énergique dans ma playlist. SOAD. Je monte le son. Sans soleil je vois des ombres partout. Mon ouïe toute occupée par "Dreaming" n’arrange pas cet état de fait. J’accélère encore le pas. Plus que quelques rues et je retrouverais la lumière. Petite, j’avais peur du noir.
Alors que je traverse la rue, le sol et le ciel se confondent, le monde tourne beaucoup trop vite. Mais un bruit fait tout cesser. Je suis allongée au sol. Je crois que j’ai mal. Je ne comprends pas ce qui s’est passé. Deux jeunes me regardent paniqués. Ils crient. Et ils s’en vont. J’arrive à apercevoir l’un d’entre eux monter dans une voiture. Ses phares sont éteints. La voiture part en trombe. J’en suis maintenant certaine j’ai mal. Je n’arrive ni à bouger ni à comprendre la position de mon corps. Mais mon visage plaqué contre le sol baigne dans le sang. Il y en a trop. Merde. Je ne suis pas allé voir ma mère. Mon mari va m’attendre en vain. Ce soir je ne rentre pas. Une ville sans soleil, une voiture sans phares.
Petite, j’avais peur du noir.