En 2017 j’ai lu… Island, de Yang-Kyung Il et Youn In-Wan

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Nouvelle rubrique sur le site d’AnimeLand ! Avec “En 2017, j’ai lu…” on vous propose de découvrir ou redécouvrir certains titres plus ou moins récents. Une prise de position qui ne parle pas en l’honneur de la rédaction, mais uniquement de son rédacteur.

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Après avoir inauguré cette nouvelle rubrique avec le monstre Blame!, penchons nous sur un titre bien moins connu, Island. À la tête de cette œuvre, on retrouve un duo s’étant révélé en 2007 avec le très bon Le Nouvel Angyo Onshi chez Pika : le scénariste Youn In-Wan et le dessinateur Yang Kyung-Il.

Série complète en 7 tomes, Island a connu ses débuts en 1997 dans le magazine Comic Beam (Kasane, Desert Punk) avant d’arriver chez nous via Generation Comic (Panini) presque 7 ans plus tard, en 2003. Il s’agit à l’origine d’un roman de Youn In-Wan mettant en scène des histoires qui ne sont pas dans le manga et détaillant le passé des personnages principaux. Restée dans l’ombre face aux sorties de l’époque (Hoshin, Arms, Enfer & Paradis), Island n’est certainement pas une œuvre incontournable. Pourtant, malgré ses premiers tomes très classiques tendant vers le genre horrifique peu emballant, Island devient ensuite un titre plus ambitieux et même engagé. En effet, sous la trame d’une très violente enquête policière fantastique c’est toute la rengaine coréo-japonaise qui est abordée, avec une intelligence mais aussi une certaine virulence.

Black Exorcist

island3L’histoire, c’est celle de la belle Miho Won devant embarquer pour l’île de Cheju en Corée afin de travailler comme enseignante. Très vite, elle va se retrouver confronter à des phénomènes paranormaux mortels. En réalité, cette petite bourgade coréenne serait historiquement la proie de créatures maléfique et autres manifestations malsaines. En faisant la rencontre, fortuite, du ténébreux Vaan, Miho se dote d’un garde du corps lugubre mais efficace pour se protéger.

L’espace de deux-trois tomes, nous avons donc à faire à une succession de combats entre Vaan et des forces du mal. Rien de bien folichon, de très original. À l’inverse d’un titre comme Psychometer Eiji (notamment le premier tiers) l’ensemble est assez noir sur le plan graphique, avec des monstres plus repoussants que classieux, dans la veine des productions des années 90. Voilà qu’a partir du 3e tome, avec l’arrivée du pasteur américain John, Island devient tout autre : une trame de fond s’installe, les enjeux deviennent plus grands, l’intensité monte peu à peu. Ce revirement se confirme par l’ouverture de la plus grosse enquête de la série puisqu’elle s’étend sur 26 chapitres ! Ce 3e larron qu’est John apporte de la gaieté et du peps à une série très rigide, presque précaire. Surtout, cette arrivée s’accompagne de la venue d’un groupe de 4 japonais –moine, membre de la police international ou exorciste- dont les noms seront intimement liés à cette affaire. Leur mission n’est pas à prendre à la légère puisqu’elle doit masquer la honte du peuple japonais par rapport à un mauvais sort réservé aux coréen. Explications.

“Le Japon est un pays où même un mariage d’un sumo et d’une actrice fait sensation. Quand est-ce qu’ils font tous front commun ? Quand ils sont dans une position qui les embarrasse tous…” 

Miho Won, enquêtrice coréenne 

Shame on us

Par une succession de meurtres horribles –le modus operandi étant de faire fondre les victimes- un terroriste empile les cadavres. Miho est directement touchée puisque des relations d’affaire à son père font partie des victimes. Avec John et d’autres soutiens, elle mènera l’enquête et fini par croiser notre fameux quatuor. On découvre au final que c’est un coréen qui décide de se venger des japonais car ces derniers ont mené des expérience sur son peuple au début du 20e siècle.

island2Sans en dévoiler davantage, c’est tout un parti pris qui s’engage, avec d’un côté des japonais qui n’osent affronter leur passé coupable et de l’autre des coréens qui n’ont pas digéré pareil traitement. Là ou ça devient intéressant, c’est que le manga ne prend pas des pincettes pour aller à l’extrême. Japonais coupable, bêtement fière de sa colonisation ou complètement haineux envers la Corée, rien n’est édulcoré et on rappel que si les auteurs sont coréens, le titre est publié au Japon. Surtout, le Japonais n’est pas montré comme le vilain petit canard, et pour cause, le coréen est aussi dépeint comme un terroriste voulant se faire justice, quitte à placer une bombe dans les bras d’une innocente  fillette. La causalité, fil rouge du récit, ne fait qu’engendrer une haine sans cesse renouvelée, virale, et au finale bien inutile.

Il est aussi très agréable de remarquer que tous les personnages n’ont pas de positions figées. Parmi le quatuor, certains se rangeront du côté de Miho, d’autres non, et l’héroïne elle-même ne sait pas sur quel pied danser (elle restera assez neutre au final). Outre cette position historique, l’aspect religieux est important, avec des membres chrétiens, bouddhistes et athées. Dans ce domaine, la confrontation est moins idéaliste, moins frontale, et s’exprime surtout par des combats qui rappellent un peu ceux du jeu Psychic Force (si vous avez connu la Ps1 !). On peut y voir évidemment une certaine virulence dans l’opposition, mais l’auteur n’a pas trop voulu s’aventurer sur ce terrain.

“Sale petit bâtard de Chosenjin ! Vous n’avez donc pas appris à rester à votre place ?”

Le moine bouddhiste Seinan

L’ensemble de ces choix, assez fort pour l’orientation d’un manga, donne une vraie motivation aux protagonistes. Cela n’a rien de caricaturale ou de moralisateur, c’est juste une base de travaille odorante qui fait plaisir à voir. Par son enrobage fantastique, le tout est moins réaliste et un peu dilué, mais c’est aussi le style de Youn In-Wan qui veut ça. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’au-delà de l’idée, Island amène très bien son propos en rendant le tout compréhensible, crédible (pour le genre) sans se prendre pour un donneur de leçon. Sans oublier le plus important ; avec tous ces ingrédients, l’enquête prend de l’épaisseur et offre une dénouement tout à fait satisfaisant. Deviner le coupable n’est pas une formalité. Ce qui démarrait donc comme un titre d’horreur très old-scholl devient une chasse aux aveux bien plus prenante, le Japon reconnaissant ses torts au final en inscrivant sa culpabilité dans ses manuels scolaires.

Une belle première

Il ne faut pas oublier que nous avons ici la première collaboration entre Youn In-Wan et Yang Kyung-Il. Pour être sincère, pour un premier essai, le tout est assez concluant. La prise de risque était réelle, tant sur le fond que sur la forme, est au final nous avons un message très solide qui est délivré. D’un point de vue graphique, Yang Kyung Il a vraiment progressé durant les 7 tomes. D’abord raide et assez vieillot avec le recul, son trait devient plus fin, ses scènes de combats beaucoup plus fluides et son découpage plus naturel. L’artiste qui est au dessin d’Area D est, je pense, un dessinateur au registre très varié, capable de s’acclimater à beaucoup de registres (il n’y a qu’a voir ce que lui a fait subir K. Nanatsuki sur Area D justement). Sur Island (sa 2e expérience professionnelle), il arbore un style réaliste d’abord dirigiste mais colle bien au style horrifique. La réorientation de la série va quand même l’aider à s’exprimer avec plus d’aisanante et de lisibilité. On retrouvera dès lors tout ce qui a fait son charme sur Angyo Onshi, avec des personnage élégants et un jeu de proportions plus abouti. Les deux derniers tomes reflètent d’ailleurs ses meilleurs partitions.

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Aussi, et même si le point est plus résiduel, Island propose un regard tolérant sur l’homosexualité. Sans vouloir draguer les mangas spécialistes du genre, c’est une facette à ne pas négliger puisque c’est l’américain qui dit au japonais homosexuelle (une fille qui à un corps très masculin) de ne pas opter pour l’opération au risque de perdre la femme qui est en elle. Quand on connait le passif des deux pays et la thématique d’Island, ça prend un certain poids.

Très largement trouvable à prix dérisoire en occasion, Island n’est pas non plus gâté par une édition de Panini très moyenne : pages inversées, planches rognées, encrages qui bave, larges censures des scènes violentes…Pour un seinen ambitieux, c’est forcément regrettable.

6.6 Belle île en mer

D'abord peu intéressant et accusant son âge puis carrément pertinent, Island confronte le passif coréo-japonais pour accompagner une dimension fantastique et spectaculaire de bonne facture. La première collab' entre Youn In-Wan et Yang Kyung-Il est donc assez osée puisqu'elle fut publiée au Japon. Si les parcours d'auteurs vous plaisent, alors allez-y.

  • Graphisme 6
  • Scénario 7
  • Originalité 6,5
  • Audace 8
  • Découpage 6
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  • AuteursYoun in-Wan (scénario) Yang Kyung Il (dessin)
  • Editeur VFPanini
  • Editeur VOEnterbrain
  • PrépublicationComic Beam
  • GenreFantastique, thriller, enquête policière, historique
  • TypeSeinen
  • Date de sortie22/02/03
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A propos de l'auteur

Bruno

Défendre les couleurs d'AnimeLand était un rêve. Il ne me reste plus qu'à rencontrer Hiroaki Samura et je pourrai partir tranquille.