Great TV Show !

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GTO, un des manga les plus excitants que le Japon nous ait livré, compte 25 tomes. Mais saviez-vous que le Great Teacher Onizuka s’était aussi illustré dans une série télé live ? Véridique, Onizuka se la joue soap, mais pas pour le bonheur de la ménagère de moins de 40 ans. La grande question Pour ceux n’ayant pas la chance de connaître GTO, nous ne saurions trop leur conseiller de se reporter à l’article complet paru dans l’AnimeLand 94. Pour les autres, c’est-à-dire ceux qui se sont excités les zygomatiques à lire le récit délirant et néanmoins profond des aventures de GTO, les grandes questions seraient plutôt les suivantes : « Qu’est ce que cette adaptation live vaut ? Peut-on décemment envisager l’adaptation d’un titre aussi complexe que GTO en une série live ? »

De grands changements

La série live de GTO compte 12 épisodes de 45 minutes environ auxquelles s’ajoutent un épisode spécial et un long-métrage. On retrouve, dans la série, notre bon vieux Onizuka à l’orée de sa carrière de professeur. Première différence avec le manga, on ne nous explique pas les motifs de sa passion pour le métier d’enseignant. Sans doute les producteurs sont-ils partis du principe que les spectateurs regarderaient la série en sachant déjà qui est leur héros. Il s’agit d’un choix contestable mais qui n’empêchera pas le néophyte de s’intéresser à l’histoire.
Deuxième changement, notre ex-furyo se retrouve directement bombardé professeur principal de la 2nde 4. Ainsi, l’histoire du manga où il se fait manipuler par une jeune lycéenne qui le séduit pour qu’ils soient pris en photo, se produit maintenant lors du premier jour avec la 2nde 4. La jeune fille et les garçons qui prennent les photos seront d’ailleurs les premiers qui se rallieront à Onizuka. Notre héros n’habite pas non plus sur le pallier du dernier étage du lycée, il a son propre appartement (tout aussi encombré certes…). Ensuite, le fameux Ryuji, son ami de Young GTO (publié dans le Shônen Collection de Pika) n’est plus présent. C’est le personnage du policier à la gâchette facile qui le remplace, devenant le seul confident d’Onizuka, en même temps qu’un Gémini-Criquet décadent.

Côté personnages secondaires, on notera l’arrivée de deux nouveaux protagonistes. Tout d’abord un professeur féminin de Composition florale particulièrement collet monté contre Melle Fuyutsuki (la jolie collègue de notre héros) mais aussi, l’adjoint du sous-directeur, aussi fourbe qu’un Nicolas SARKOZY période « Je trahis tout le monde ».

Une grande adaptation

Dans un soap-opéra, le budget est trop faible pour s’autoriser une image suffisamment bien éclairée et donc belle. Idem en ce qui concerne les décors qui sont généralement limités à quelques lieux symboliques (ici, l’appartement d’Onizuka, la salle des professeurs, sa salle de classe…). Les délais de tournages étant courts, les épisodes sont tournés dans l’urgence, donc sans possibilité de rattraper une mauvaise interprétation ou de crédibiliser une histoire. Qui plus est, les dialogues sont en général superficiels et doivent rester compréhensibles par le plus grand nombre.
Dans GTO, FUJISAWA Tôru, l’auteur original du manga, livre une véritable réflexion sur la place de l’adolescent dans la société nippone : l’absence de communication avec les adultes, la violence de l’univers lycéen, l’hypocrisie ambiante du monde du travail… Des thèmes complexes et qui sont, manga oblige, mis en scène à travers des histoires délirantes. FUJISAWA abuse de cadrages surprenants, fait parler ses protagonistes au point qu’on passe plus de temps à lire les dialogues qu’à regarder les images (fait rare dans un manga) et présente des situations aussi absurdes qu’un Onizuka faisant cours déguisé en Devilman.
Comment dès lors, peut-on espérer une adaptation réussie ? Eh bien la réponse est simple : en gommant tout l’aspect délirant du manga pour n’en garder que la quintessence. Ainsi, finies les excentricités visuelles de notre héros, ses prises d’arts martiaux délirantes ou les scènes de baston dantesques. Oubliés, aussi, les dialogues délirants et compulsifs… Place est donnée au réalisme et à la cohérence. En évitant le piège du ridicule qu’aurait suscité une transposition littérale de GTO en live, les producteurs sont revenus à l’esprit même qui préside au manga de FUJISAWA.

L’administration du lycée est dépeinte comme un endroit qui transpire la suffisance et la médiocrité. Le bien-être de l’élève passe loin derrière l’image de l’établissement. Le sous-directeur et son adjoint sont d’une telle vanité et d’un tel mépris pour ceux qui les entourent qu’ils en sont détestables. Cette fois ci, le fameux prof d’EPS n’est plus ce personnage ridicule qui prend des stéroïdes, mais un homme incapable de communiquer avec ses élèves et qui finira par en passer un à tabac. Faute de trouver les mots, il laissera parler ses poings. Teshigawara, le professeur psychopathe amoureux de Melle Fuyutsuki est aussi présent et tout aussi inquiétant. Quant à la douce collègue d’Onizuka, elle gagne en caractère en comparaison de sa version papier. Si elle ne lui ressemble plus physiquement, on découvre un personnage complexe, passionnant même, qui révèle les difficultés pour une femme de travailler, obligée qu’elle est d’obéir à tous les ordres que le sous-directeur et son adjoint lui donnent. Elle est présente dans tous les épisodes et le duo qu’elle forme avec Onizuka est réjouissant.

Des acteurs grands comme ça !

Pour faire un bon drama (série live en Asie), il faut une bonne histoire qui va reposer sur des personnages charismatiques. Le budget étant ce qu’il est, tout est basé sur le travail des acteurs qui portent la série à bout de bras, la caméra étant quasi statique la plupart du temps.
Ici, on est servis et il y a de quoi être impressionné lorsque l’on voit l’incroyable qualité de jeux des acteurs. Si dans les premiers épisodes, ils ont quelque peu du mal à trouver leurs marques, ils finissent très vite par rentrer dans leur personnage. Ainsi, Melle Fuyutsuki est interprétée par l’excellente MATSUMISHA Nanako (aperçue dans Ring et Ring 2 en France) qui en plus d’être le charme fait femme, arrive parfaitement à nous faire saisir ses moments de joies et de peines. Son personnage est sans doute un des plus crédible de la série.
NAKAO Akira joue le sous-directeur du lycée. On regrettera que ce personnage délirant du manga ait été aussi transformé pour le bien de la série. Il n’est plus chauve, ne souffre pas de calculs urinaires et il a perdu son côté ridicule qui le rendait aussi irrésistible. A la place, NAKAO campe un homme plus trouble et complexe. Si l’on retrouve sa haine pour Onizuka et un aspect parfois ridicule dans son comportement, on voit aussi le mépris qu’il affiche pour les autres et sa froideur et son indifférence pour ses élèves. Un personnage particulièrement intéressant. NAKAMURA Aimi prête son visage d’ange et sa froideur à la perfide Miyabi. L’actrice arrive en effet à jouer sur les deux tableaux, se révélant aussi fausse que possible dans certaines scènes et touchantes lorsque, la série avançant, elle laisse tomber le masque. Son timbre de voix, assez particulier, la différencie très vite du tout venant des jeunes actrices nippones qui ont souvent une voix nasillarde ou de petite fille (écueil commun à cette série).

Le reste du casting est au diapason, les actrices qui interprètent les lycéennes de la 2nde 4, rivalisent de charme et de talent (mention spéciale à KURODA Miki qui joue le rôle de Nomura Tomoko), les professeurs sont excellemment campés. C’est bien simple, on croit à ces personnages, pour nous, nul doute, ils vivent dans l’univers de GTO !
Mais qu’en est-il de notre Great Teacher préféré ? Ce dernier est interprété par SORIMACHI Takashi, rock-star et acteur qu’on a vu en France dans le Fulltime Killer de Johnnie TO (voir l’article paru dans Cinéma d’Asie). C’est évidemment lui qui a le plus de temps à l’image et qui rythme l’histoire de ses frasques, son excentricité et sa fougue. Pour jouer un tel personnage, complexe et retors, il fallait un comédien exceptionnel. Semi déception donc, car SORIMACHI n’est sans doute pas l’acteur le plus crédible que l’on connaisse pour incarner un tel rôle, son physique et ses mimiques étant bien différents. Toutefois, il faut bien souligner la difficulté qu’il a du éprouver à se plonger dans un personnage aussi fou qu’Onizuka. Sans doute s’est-il dit qu’à l’instar de la série, il fallait adapter l’humour d’Onizuka et non pas le retranscrire tel quel, sous peine de sombrer dans le ridicule le plus complet. On peut malgré tout lui reprocher de cabotiner plus qu’il ne le faudrait, mais on notera aussi que, dans les scènes plus sérieuses, il dévoile un regard et une sensibilité des plus touchantes. Au final, un bon choix de casting.

Une grande série télé

Ne nous mentons pas : le drama de GTO est une adaptation fauchée du manga de FUJISAWA qui aurait gagnée à être produit avec un budget plus important. Question qualité, on est plus proche d’une série comme Sous le soleil que de Dawson… Malgré tout, le produit final est hautement appréciable. Si l’on fait abstraction d’un aspect un peu cheap, on retrouve l’histoire qui nous a passionné, mais en « vrai », ce qui est assez excitant.
Alors bien sûr, on pourra toujours ergoter et reprocher à la série d’avoir dans une certaine mesure trahie le manga original en oubliant ses passages les plus osés et fous. A cela, nous rétorquerons que ce qui passe bien sur papier ne fonctionne pas nécessairement avec des acteurs en chair et en os. L’intelligence de la série de GTO aura été de rester fidèle à l’esprit frondeur de FUJISAWA. Non, les lycéens, mêmes les plus rebelles, ne sont pas des « déchets ». Non, l’école ne doit pas être un lieu de diktat intellectuel mais bien d’épanouissement de l’individu. Oui la violence des jeunes est un fléau, mais seul l’amour et l’attention qu’on leur offrira permettra de les aider à aller mieux.

GTO, le seul et l’unique

Le personnage de GTO s’affiche ici comme une sorte de héros, celui de la reconnaissance, pour les jeunes, de leur identité et de leurs problèmes. La grande qualité d’Onizuka est sa volonté de « s’oublier » face aux problèmes de quelqu’un, de ne pas lui montrer de l’indifférence mais de l’accepter tel qu’il est.
A l’heure où l’éducation nationale semble incapable d’intéresser les jeunes à l’éducation, FUJISAWA, par l’intermédiaire de son héros, rappelle que le professeur n’est pas uniquement là pour enseigner une matière mais aussi pour enseigner la vie. Un message fort qui trouvera son point d’orgue dans un 12è épisode d’anthologie qui verra professeurs et élèves se réconcilier autour de leur école devenu lieu de vie.

Remerciements à Alexandre PEREIRA

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