Hisaishi Joe et Buster Keaton

Le maestro du mécano

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Le groupe MK2 a été fondé en 1974 par Marin KARMITZ avec le complexe cinéma du 14 Juillet de la Bastille. En 1980, dans le but de proposer une structure facilitant la création cinématographique, MK2 se propose de distribuer des films, puis de les produire. Les co-productions se font alors nationales et internationales, les films ayant l’assurance de connaître une exposition dans les salles des complexes du groupe. Par ailleurs, MK2 achète de nombreux films étrangers méconnus (japonais, africains, polonais…), qui connaissent à leur tour une sortie dans l’hexagone.

Seconde jeunesse

Il y a trois ans de cela, MK2 acquérait les droits des films de Charlie CHAPLIN et se lançait dans un travail de restauration important. Aujourd’hui, ils récidivent avec ce film de Buster KEATON, pour lequel ils se sont livrés à une remasterisation minutieuse de l’image. Résultat : l’image paraît étonnamment jeune et on ne remarque aucun défaut, comme si le film venait de se monter. Roei AMIT, directeur artistique musical sur le film, justifie le désir de MK2 de travailler à la restauration du Mécano de la General : « Après le travail sur les CHAPLIN, MK2 souhaitait continuer son travail de valorisation du patrimoine cinématographique. Les films de KEATON, et plus particulièrement Le mécano de la General font désormais partie du patrimoine culturel. En même temps, son cinéma reste étonnamment moderne, il suffit de voir comment il a pu influencer des réalisateurs tels que KITANO Takeshi pour peser sa valeur. »

Le film ayant retrouvé une seconde jeunesse, il fallait lui apporter un plus pour attirer spectateurs et critiques. Le choix de Joe HISAISHI a pris sens pour Roei AMIT pour différentes raisons : « Tout d’abord, HISAISHI admire KEATON. Il a une grande passion pour ses films. Il a donc été enthousiaste lorsque nous lui avons demandé s’il souhaitait participer au film. De plus, il s’agit d’un artiste prolifique dont le travail reste accessible à tous, tout en gardant une sonorité particulière. » Pour HISAISHI, le défi se posait : pour la première fois, il allait écrire une partition originale pour un film muet. Or, composer pour un film parlant ne réclame pas les mêmes exigences : une partition de film peut souligner l’action, parfois jouer en contre point, d’autre fois et ce plus rarement le raconter. Pour un film muet, la bande son doit compiler ces trois points. Les personnages ne pouvant s’exprimer, les instruments doivent être leur bouche, le miroir de leurs sentiments et leurs pensées en aparté. Mais la partition doit aussi donner à l’action visible à l’écran un écho, une force…

Au départ, le choix de HISAISHI pouvait apparaître comme audacieux : imaginer un musicien japonais contemporain composer les thèmes d’un classique du cinéma américain pour un public français, donc européen, tenait de la gageure. Mais enfin, qu’on songe un instant à la collaboration du célèbre compositeur avec KITANO Takeshi et tout s’éclaire d’une autre lumière. Le cinéma de KITANO se tient en effet en filiation évidente avec le cinéma muet : dialogues rares, goût pour les silences, jeux comiques incessants, travail de composition de l’image… Bref, HISAISHI pouvait apporter au film de KEATON ce supplément d’âme indispensable. Enfin, HISAISHI aimant avoir dans les films pour lesquels il travaille une chanson de fin (1), MK2 a dépêché le grand Georges MOUSTAKI pour écrire les paroles sur une musique du maestro japonais et en a confié l’interprétation à Anna MOUGLALIS (actrice de théâtre et de cinéma). MOUSTAKI et HISAISHI ne se sont pas rencontrés, le premier travaillant en France, le second au Japon. Toutefois, ils ont chacun écouté le travail de l’autre et MK2 a assuré la liaison entre les deux artistes.

Pour quelques notes

Outre la sortie du film en salle, et en DVD, MK2 a édité la BO du film, permettant à l’auditeur de se régaler avec les compositions du maître. Sa partition surprendra peut-être ses aficionados, ceux l’ayant découvert sur les films de MIYAZAKI Hayao ou de KITANO Takeshi. En effet, HISAISHI a plutôt un style qui s’impose : une patte, une sonorité prenant corps avec l’image, devenant presque indissociable de cette dernière. Mais sur Le mécano de la General, son travail se révèle plus discret, plus humble aussi, comme si le compositeur japonais n’avait pas osé s’imposer au film, mais avait plutôt laissé le film s’imposer à lui. Au final, on retiendra au moins le mérite d’une expérience originale, loin de ce que l’on a l’habitude de voir, et donc forcément intéressante.

DVD sorti le 8 sept

Remerciements à toute l’équipe MK2

Voir la première bande annonce du film

Voir la seconde bande annonce du film

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