Sans transition, parlons un peu de La guerre secrète de l'espace.
Voilà un titre qui me paraissait très alléchant.
Ces dernières années, on commence à voir de plus en plus de BD inspirées par la conquête spatiale, plus précisément à ses débuts, l'âge d'or des Gagarine jusqu'aux Neil Armstrong (comme par exemple le très joli Laïka, très triste aussi, ou First Moon sur Apollo). Très bien.
J'espérais que ce nouveau titre ferait nettement mieux que le très nase : Jour J – Les russes sur la Lune. C'est le cas ( et c'était pas difficile ).
Déception en ce qui me concerne : il s'agit surtout d'une histoire d'espions, sur fond de conquête spatiale, donc tout le côté historique, la profondeur du sujet, passe à la trappe, même si les auteurs s'en défendront certainement.
Premier gros reproche : l'avalanche de noms importants et historiques, données techniques, dates historiques, font que toute personne qui ne connait pas grand chose à l'histoire de l'astronautique soviétique devrait être un peu larguée (et c'est peu dire). Glouchko (avec un C bordel !), Korolev, ça ne parle à personne chez nous, si ce n'est à une poignée de passionnés. Idem pour les enjeux concernant la fusée R-7, celle qui enverra Spoutnik en orbite : ils sont à peine effleurés, seulement pour alimenter le suspens au niveau des espions. A l'époque les fusées étaient en concurrence avec les missiles lancés par avion, les deux systèmes se valaient encore, la R-7 n'était qu'une solution parmi d'autres pour bombarder les USA à coup de têtes nucléaires compte tenu des piètres performances d'alors.
Deuxième gros reproche : Korolev, le père des fusées russes, l'un des plus grands ingénieurs de tous les temps, se retrouve affublé d'une personnalité de froid technocrate qui n'était pas la sienne. Est-ce pour accentuer le côté "espionnage" & "polar" de la BD ? Korolev était une sorte de père de famille pour son équipe : il considérait les premiers cosmonautes comme ses propres fils. Il est vrai qu'il dirigeait d'une main de fer le projet des fusées balistiques, mais sa ténacité était dirigée contre le Politburo qui avait la préférence pour les projets du gendre de Krouchtchev (of course). Car en URSS, il y avait plusieurs bureaux en concurrence pour construire des fusées, alors que les USA n'avaient que la seule NASA (c'est tout le paradoxe : les USA ont nationalisé et centralisé leurs efforts, les communistes ont choisi la concurrence entre plusieurs constructeurs – d'où en grande partie leur échec d'ailleurs dans la course à la Lune).
Troisième gros reproche : d'avoir choisi ces histoires d'espions, complètement fictif, alors qu'il y aurai eu tant à raconter sur la seule véritable histoire de l'astronautique soviétique. J'imagine que le scénariste n'est pas un spécialiste de l'espace, et qu'il a donc choisi d'aborder ce thème sous cet angle, mais l'Histoire elle-même regorge suffisamment de faits hautement romanesques pour noircir des centaines de pages de BD et passionner le grand public.
Enfin le dessin, réalisé par un nouveau de 23 ans, est correct, mais sans plus (ne pas se fier à la couverture, réalisée par le grand Manchu). Je suis surtout très déçu qu'en ayant choisi le thème des fusées, on n'en voit pas plus que ça, et sans plus de détails (ici une tuyère en assemblage, là des débris calcinés, une fusée au décollage, ouais bon, j'espère en voir plus au prochain volume).
Bref, sympa mais sans plus pour l'instant, le spatial étant sacrifié au sensationnel "espionnage" (qui pour le coup n'est pas extraordinaire non plus). 5 volumes sont prévus.