Parmi les séries phare de la 2e moitié des années 2000, il existe un trio qui pendant longtemps resta désespérément absent du marché francophone. Il s’agit des séries :
– Denno Coïl
– Noein
– Seirei no Moribito
Depuis, Denno Coïl a enfin pu sortir en vidéo chez Dybex, 14 ans après sa diffusion japonaise, mais les 2 autres restent cruellement inédites. Heureusement, il existe toujours la possibilité de l’import !
C’est ce que j’ai fait et me voilà à parler de Noein, diffusé en 2005 au Japon et réalisé aux studios Satelight. Noein semble suivre l’héritage de la série américaine Sliders (que je ne connais que de nom, c’est un ami qui a fait le lien) : il s’agit d’une histoire de SF centrée sur les mondes parallèles et les distorsions spatio-temporelles et appuyant son intrigue sur les bases de la physique quantique. Si forcément, les prouesses de ces déplacements entre différentes dimensions donnent un côté surnaturel à la série, cette base scientifique leur donne aussi un ton crédible. Mais qu’en est-il de l’histoire ?
Haruka, 12 ans, est une jeune fille qui termine l’école primaire dans une petite ville du Japon. Elle mène une existence banale, entre ses meilleur(e)s ami(e)s Yû, Ai, Miho et Isami, les cours et la maison familiale qu’elle occupe depuis le divorce de ses parents. Voilà qu’un jour, de la ”neige bleue” commence à tomber sur la ville et d’étranges personnages, revêtus d’amples manteaux noirs (un peu comme dans Fantastic Children au fond), sont repérés par les enfants. Ces individus semblent tout droit venir d’un autre monde ou tout du moins d’une autre dimension, qu’ils traversent à l’aide d’une sorte de câble appelé ”pipeline”. Tous ont pour objectif de mettre la main sur Haruka, désignée comme ”Le Torque du Dragon”, et de la ramener dans leur monde, Lacryma. Haruka serait en effet capable de traverser les différentes dimensions grâce à ce torque (qui n’apparaît que lorsqu’elle se sent en danger) et de modifier le cours des événements. Mais l’un d’eux, Karasu, finit par les trahir pour protéger la jeune fille à laquelle il semble beaucoup tenir. Haruka découvre alors que Lacryma n’est pas le seul monde parallèle cherchant à la récupérer : d’autres intrus, cette fois sous formes de silhouettes ou de vaisseaux mécanisés grotesques, ont pour objectif de la capturer et la ramener dans leur monde : Shangri-La…
L’intrigue de départ n’est pas très originale ; on retrouve un certain nombre d’éléments déjà entrevus dans d’autres histoires : la jeune fille élue, les mondes parallèles, le futur post-apocalyptique, le personnage masculin chargé de protéger l’héroïne… Cependant, si la base est plutôt classique, son déroulement amène pas mal de bonnes surprises et de rebondissements. La série prend le temps de nous expliquer le fonctionnement de cette traversée des dimensions, leur impact sur l’existence des protagonistes ou le futur et même les conséquences sur le corps humain. De plus, comme expliqué dans un paragraphe précédent, l’apport de la physique quantique pour expliquer ce fonctionnement amène une certaine vraisemblance au récit tout en jouant sur un aspect plus surnaturel.
La série regroupe pas mal de personnages hauts en couleur (chacun ayant une personnalité bien définie), mais l’intrigue tourne essentiellement autour du trio Haruka – Karasu – Yû. Si Haruka est une jeune fille ordinaire bien que détentrice d’un grand pouvoir, Yû est un garçon de son âge introverti et déprimé depuis que sa mère l’oblige à réussir ses examens pour intégrer un collège prestigieux à Tokyo. Il tentera bien de se rebeller à plusieurs reprises, mais son jeune âge et le manque de moyens freineront forcément ses fugues. Karasu quant à lui est l’antithèse de Yû : d’une dizaine d’années plus âgé, plus expérimenté, plus mûr, ce jeune homme est décidé à protéger Haruka tant qu’il en aura la force. Il s’oppose d’ailleurs violemment au jeune Yû, qu’il accuse d’être faible, geignard et incapable de protéger Haruka, alors que Yû semble pourtant beaucoup l’aimer. Cette mésentente finit même par se transformer en jalousie chez Yû, frustré de voir Haruka en si bonne entente avec un garçon de dix ans plus âgé qu’elle : une situation d’autant plus ubuesque puisqu’on apprendra
Spoiler
qu’en réalité, Karasu est la version plus âgée de Yû dans le futur alternatif de Lacryma ! Yû, devenu Karasu lorsqu’il a intégré l’armée, s’en veut de ne pas avoir empêché Haruka de se sacrifier pour l’avenir de Lacryma, menacé de destruction par le monde parallèle Shangri-La, et c’est pour cette raison qu’il tient tant à protéger la version jeune de sa bien-aimée
[collapse]
. Ce trio que tout semble tout opposer devient assez vite attachant après quelques épisodes et même si la relation trouble entre Karasu (qui a la vingtaine) et Haruka (qui en a 12) peut forcément déranger, les scénaristes ne se permettent jamais le moindre écart.
En dépit de certains éléments classiques, Noein propose une histoire riche et complexe mêlant science-fiction et mythologie, cumulant les références culturelles tant littéraires qu’axées sur la pop-culture (Shangri-La, les objets mécanisés qui ressemblent à certaines sculptures hindoues, Lacryma qui évoque le début de la série Uchû Senkan Yamato…); il y en a tant qu’il n’est pas impossible que certaines références m’aient échappée. Si au départ on a l’impression d’avoir une intrigue manichéenne, on se rend compte à la fin que les mauvaises actions ont surtout pour origine un mal-être personnel qui n’a pu être résolu, ce qui fait de Noein une série finalement très psychologique.
La réalisation est d’excellente facture et n’a pas trop mal vieilli pour une production diffusée en 2005. Les effets 3D notamment sont assez discrets en général et s’intègrent bien à l’image (hormis certains travelling sur la maison d’Haruka et le dragon mécanique) et le chara-design de Takahiro Kishida apporte une touche très originale, bien loin des design stéréotypés que l’on retrouve souvent en animation japonaise. Certaines séquences animées sont proches d’un storyboard tant ils accentuent le côté ”brut” du dessin et donnent ainsi une certaine griffe artistique aux scènes de combat. Un petit regret (mais peut-être est-ce volontaire) concernant quelques séquences surexploitées par les animateurs (les travelling sur la maison d’Haruka, le gros plan sur son œil ou encore l’apparition du torque), alors que le reste de l’animation est de qualité.
Juste un petit mot rapide sur le doublage japonais (celui que j’ai écouté) : dans l’ensemble il est d’assez bonne facture, on ne retrouve pas de voix criarde typique des anime pour otaku. La seiyû d’Haruka, en revanche, a mon âge et n’avait donc que 16 ans lorsqu’elle interpréta ce rôle pourtant principal. On sent un manque d’expérience dans sa prestation, même si à d’autres moments elle s’en sort plutôt honorablement.
Malgré quelques points perfectibles, Noein mérite bien son statut d’incontournable des années 2000 et je vous encourage vivement à vous tourner vers l’import pour la découvrir (car si la série est inédite en français, elle fut par contre éditée aux USA et en Italie).