Quand on lui enlève les articles consacrés à l'économie ou à la politique, Le Figaro peut se révéler parfois une lecture intéressante :
En dix ans, la France est devenue le numéro un européen et le numéro trois mondial du dessin animé.
C'est devenu une habitude. À chaque période de vacances scolaires, un film d'animation français défie un blockbuster envoyé par Dreamworks ou DisneyPixar. Pour Pâques, La Véritable Histoire du Chat botté sera projeté sur 400 écrans face à Monstres contre aliens. L'ampleur de cette sortie est représentative du changement d'esprit des professionnels comme du public. Malgré la suprématie incontestable des Américains, les films animés français drainent de plus en plus de monde au cinéma. Avec plus de dix millions de spectateurs attendus dans les salles en France, 2009 s'annonce comme une année historique.
Après la nomination aux Oscars du court-métrage Oktapodi réalisé par six diplômés de l'école des Gobelins, la France sort sept films à vocation internationale. Outre des pépites comme L'Illusionniste de Sylvain Chomet et Panique au village, les familles pourront voir Les Lascars et Totally Spies cet été. Pour les fêtes de fin d'année, le grand dessin animé sera français grâce à Luc Besson et son Arthur et la Vengeance de Malthazard.
Avec un tel programme, la France confirme sa place de numéro un européen et numéro trois mondial des films d'animation derrière les États-Unis et le Japon. En dix ans, ces films sont passés d'un box-office annuel moyen de 100 000 à 2 millions de spectateurs voire à 10 millions grâce à Arthur et les Minimoys de Luc Besson, en 2006. À l'international, le phénomène est encore plus fort. En 2008, les étrangers ont plébiscité Igor (3,7 millions d'entrées) et adoré Chasseurs de dragons (1,2 million). «Nos dessins animés sont des produits d'exportations formidables : ils se vendent beaucoup mieux que les films de fiction», se félicite Antoine de Clermont-Tonnerre, président d'Unifrance, l'organisme de promotion du cinéma français à l'étranger.
Pour Jacques-Rémy Girerd, créateur de Mia et le Migou et PDG des studios Folimage, «c'est une révolution. Avant Kirikou en 1998, il y avait un long-métrage animé français tous les dix ans. Et à l'exception du Roi et l'Oiseau (1980), c'étaient des catastrophes !» Sorti il y a dix ans face à Mulan de Disney, Kirikou et la Sorcière de Michel Ocelot crée un premier électrochoc. Cinq ans plus tard, Les Triplettes de Belleville de Sylvain Chomet et La Prophétie des grenouilles de Jacques-Rémy Girerd confirment que le public suit.
Des films variés et originaux
«Les aides du CNC, les crédits d'impôts, la démocratisation des moyens de production avec l'arrivée de l'informatique et l'explosion des séries télévisées qui a permis à toute une génération de dessinateurs de se faire la main ont fait le reste», résume Marc Vandeweyer, directeur de Cartoon Movie, le rendez-vous annuel de l'animation européenne à Lyon. Ravis de la variété et de l'originalité des films présentés cette année, les investisseurs ont multiplié les offres. À commencer par Pathé, UGC, Gaumont, Studio Canal et Orange-Studio 37, qui ne considèrent plus du tout le film d'animation comme un genre mineur. « L'arrivée de ces grands groupes nous donne un coup de pouce décisif en marketing comme en finance », estime Didier Brunner, PDG des Armateurs (Kirikou, Brendan et le secret de Kells). Les budgets sont passés de 3 à 10 millions d'euros, ce qui a permis au passage de rapatrier toute la production dans l'Hexagone. Avec 65 millions, Arthur et les Minimoys est loin devant. Mais cela reste un tiers des 180 millions d'euros de Wall-E. Cet écart permet aux Américains de défaire et refaire leurs films jusqu'à ce qu'ils soient parfaits.
En comparaison, les films français sortent à l'état de brouillons. En attendant d'avoir plus d'argent, les studios nationaux voudraient être aidés par la création d'un césar de l'animation. «Ce prix existe aux Oscars, aux Baftas de Londres et aux Goyas de Madrid, mais pas en France. C'est un comble, non ? » s'étonne Didier Brunner. Il y a trente-cinq ans, le Festival de Cannes avait montré l'exemple avec La Planète sauvage, de Laloux et Topor, prix spécial du jury en 1973. Cette année, le festival présentera également en ouverture Là-haut, la nouvelle création DisneyPixar.
Trente projets d'ici à 2012
Forts de leur succès, les studios français sont particulièrement créatifs. Les grands auteurs sont de retour avec Le Secret de Loulou, de Grégoire Solotareff, et Tante Hilda contre Attilem, de Jacques-Rémy Girerd. La France se lance aussi dans la 3D avec cinq blockbusters internationaux : Occho Kochoï, Cendrillon ,La Nuit des enfants rois, Rock the Boat et Around the World in 50 Years. Les adolescents sont gâtés. Outre Le Monde truqué, de Tardi , ils verront 11, sur la Première Guerre mondiale, mais aussi Les Histoires extraordinaires d'Edgar Poe, un film gothique avec la voix de Bela Lugosi. Luc Besson prépare Un monstre à Paris et Ruby Tuesday, tiré de douze chansons des Rolling Stones. Jamel Debbouze adaptePourquoi j'ai mangé mon père, de Roy Lewis. Les petits ne sont pas oubliés. Fabrice Luang-Vija réalise Le Vilain Petit Chartreux. Daniel Pennac écrit le scénario d'Ernest et Célestine. Et Gaumont prépare l'Apprenti Père Noël.
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