Jeph Loeb – J.M DeMatteis
Joe Kelly – Ed McGuinness
Superman est enfermé, enchaîné, dans l'asile d'Arkham. Il parvient à s'échapper, comme il le fait chaque soir, semble-t-il. Et comme chaque soir, le directeur d'Arkham, Solomon Grundy (probablement né un lundi, mais on s'en fiche) appelle à l'aide le QG de la Ligue des Justiciers pour arrêter l'évadé. C'est un boulot pour Bizarro !
Voilà un titre très atypique !
Dès les premières pages, on a l'impression d'être dans un monde inversé de l'habituel univers DC. Mais cela dépasse le simple stade d'un univers miroir. Superman sait qu'il ne tue pas, il sait que quelque chose cloche. Lois Lane est à la tête d'une entreprise commerciale puissante, appelée Lane Corp, et elle est chauve…
Jimmy Olsen est le meilleur ami de Bizarro, Aquaman est un poisson-homme avec une hache en guise de main gauche, et pour parachever le tout, chaque soir un long cri d'agonie traverse la ville. Bref, que se passe-t-il ? M. Mxyzptlk est-il concerné par cette histoire ?
Dès lors que l'on met en scène un habitant de la cinquième dimension, on s'attend toujours à un bon gros délire surréaliste, propice aux références à foison au Silver Age de DC. C'était par exemple le cas dans Superman TAS, dans Batman – The Brave and the Bold, c'est aussi le cas dans Empereur Joker.
Le simple fait d'être perdu, dans les premiers chapitres, en tant que lecteur, apporte à ce titre une certaine dimension de plaisir, un peu comme lorsqu'on déambule dans un labyrinthe, incapable de trouver un point de repère. Ici, on est propulsé dans une histoire qui n'a pas de véritable début, et qui ne s'encombre pas d'un court résumé de la situation. Perdu !
Alors on se laisse emporter dans l'histoire, avec ce Superman qui sait qu'il est un super-vilain, mais qui sait aussi qu'il ne peut pas en être un. C'est déstabilisant, ce n'est pas un Elseworld, ni un futur apocalyptique.
La palme du personnage le plus intéressant dans son traitement tout au long de l'histoire revient sans contestation possible à Lois Lane !
Elle débute comme un clone féminin de Lex Luthor, et passe par un grand nombre de phases la poussant à constamment réagir aux évènements sur le tas, ne sachant jamais à quel saint se vouer. De fait, il s'agit là du personnage le plus imprévisible, dans le bon sens du terme.
Dans le mauvais sens du terme, on a Ignition, personnage énigmatique dont la véritable identité ne manquera pas de faire froncer les sourcils de nombreux lecteurs, compte tenu de l'absurdité de la chose et des actions dudit personnage depuis le début de l'histoire, ne laissant finalement sortir de la bouche du lecteur qu'un “pourquoi ?” impuissant et ahuri.
Empereur Joker est un titre dont je n'arrive franchement pas à dire si je l'ai trouvé bon ou mauvais.
Malgré la profusion de détails (bon, c'est pas non plus la Chapelle Sixtine, hein !), la lecture reste très fluide, c'est clair et assez simple à lire. C'est très coloré, parfois trop, mais on reste dans les standards de l'époque.
J'ai particulièrement apprécié le dernier chapitre, et le côté messianique de Superman, qui a rarement été autant mis en avant, à travers ce final qui tout-à-coup abandonne le côté délirant des premiers chapitres pour aborder un moment assez grave, qui nous était pourtant connu dès le premier chapitre. Le passage du grotesque au sérieux se fait naturellement, étonnamment. On n'a pas l'impression de passer d'une histoire à une autre, ce qui est la marque d'une très bonne maîtrise du scénario.
Enfin, il est impossible de passer sous silence le grand nombre de clins d'oeil et de références à l'univers DC qui rendent l'histoire encore plus captivante, que l'on comprenne ou non ces références, d'ailleurs !
Maintenant, et c'est une opinion personnelle, l'humour ne marche pas sur moi. Sérieux, j'ai pas ri une seule fois. Peut-être est-ce la faute à certaines vannes trop datées, trop ancrées dans leur époque. Par exemple, le gimmick du “Wazaaaa !” du début des années 2000…
A l'époque, ça m'a fait rire… la première semaine, et après ça m'a gavé, et dieu sait qu'on en a bouffé du Wazaaa… 😪
Ensuite, certains dessinateurs ne me font pas vraiment sauter au rideau… en fait surtout un… Ed McGuinness et ses dessins tout en rondeur et bibendum-itude.
Bon, c'est histoire de dire, parce qu'il n'est pas le plus présent dans l'histoire, mais pour moi il est du niveau de Rob Liefeld, et ce n'est pas un compliment. Non, il est quand même meilleur que Liefeld, ne trollons pas.
Enfin, la révélation de l'instigateur de tout ce mic-mac tombe évidemment à plat (alors qu'il faut attendre la fin du chapitre 4 pour voir son identité révélée au lecteur), puisqu'il est dans le titre même, l'Empereur Joker !
Empereur Joker est en définitive un titre plutôt attrayant, en dépit de ses défauts. Il faut reconnaître qu'il a pour lui cette originalité de jongler plus ou moins habilement (ça dépend des moments) entre l'absurde, le référentiel et le sérieux.
Certains apprécieront l'humour, d'autres les références, et d'autres encore verront dans tout ce délire l'analyse du cerveau dérangé de la Némésis du Chevalier Noir, un des plus grands vilains que la planète comics ait jamais porté.
Et d'autres ne goûteront à aucune de ces facettes, tandis qu'une dernière catégorie de personnes s'y plongeront au contraire corps et âme, appréciant chaque aspect de l'oeuvre !
"With the first link, the chain is forged. The first speech censured, the first thought forbidden, the first freedom denied, chains us all irrevocably." -Jean-Luc Picard
Star Trek - The Next Generation / The Drumhead