Un peu d'animation pour une fois dans ce topic quelque peu délaissé ! Je me suis vu en entier un superbe coffret DVD qui n'a aucune chance sortira jamais en France, mais les Italiens ont osé le faire !
Tezuka Memorial Tv Special
Les plus vieux d'entre vous (enfin c'est une façon de parler 😉 ) se souviennent peut-être de ces deux téléfilms diffusés sur Récré A2 au début des années 80 : Le Prince du Soleil (ne pas confondre avec le film de Takahata) et Nucléa 3000 ? Ils n'ont été rediffusés qu'une seule fois vers 1985-1987, découpés en mini-épisodes, mais ont suffisamment marqué les esprit si l'on juge le nombre de recherches mentionnant ces deux titres sur Planète jeunesse. Ils n'ont évidemment jamais été édités, ni en VHS et encore moins en DVD, d'autant que les VF semblent poser des problèmes de droits. Bref, c'est pas demain la veille qu'ils ressortiront dans l'Hexagone.
Du côté transalpin en revanche, ils font partie de ce coffret sorti en 2008 et regroupant quatre autres téléfilms, qui eux n'ont jamais été diffusés en France. En grande fan du monsieur, je ne pouvais passer à côté d'autant que malgré la barrière de la langue, les sous-titres sont relativement compréhensibles. Il était finalement temps que je visionne l'intégral de ce coffret acheté l'année dernière.
Le avventure di Bander (AKA Le Prince du Soleil en France) (1978)
Diffusé en Italie en 1980, soit un an avant son arrivée sur Récré A2. Ce téléfilm est le premier à avoir été réalisé par Tezuka Productions pour la télévision japonaise (mais aussi le premier long-métrage d'animation produit pour la télévision). Et cela se ressent : le scénario, bien qu'intéressant, englobe un trop grand nombre de thèmes au point qu'il est très difficile de résumer l'histoire en une fois. En gros, c'est l'histoire du prince Bander (Vif Argent dans la VF) qui voyage à travers l'espace pour retrouver sa sœur adoptive dont il est amoureux (oui, car il sait que sa sœur n'est pas du même sang (!). Dans son périple, il va être accompagné d'une étrange créature rose capable de métamorphose et qui va lui être bien utile. Je fais un résumé plus précis de cette histoire sur mon site personnel, donc n'hésitez pas à y jeter un œil si vous voulez plus de précisions.
Parmi l'abondance des thèmes exploités par les scénaristes, on peut citer la dictature, les armes nucléaires, la pollution et la violence (voire la guerre). Bref autant de message qu'il aurait peut-être fallu condenser et surtout se concentrer sur un seul, car on ne sait pas toujours où l'on en est. J'aime beaucoup par contre la petite séquence de début où le roi (père adoptif de Bander) explique au jeune homme la face sombre de l'être humain.
Je dois néanmoins avouer avoir une légère préférence pour ''Le Prince du Soleil'' comparé à ''Nucléa 3000'', car si le scénario des aventures de Bander est laborieux, les personnages sont vraiment sympas et les scènes relativement bien construites (la fin est magnifique). De plus, l'univers du téléfilm est très original et fait voyager le héros dans des mondes tous plus délirants les uns que les autres (la planète façon Western est vraiment excellente ). A noter en tant qu'antagoniste/rival puis allié de Bander le grand Black Jack en personne dans un rôle très différent de celui qu'on lui attribue d'ordinaire ! C'est également à la fois sa première apparition dans un film d'animation, bien avant les OAV réalisées par Dezaki (dont je devrai parler un jour…), mais aussi en France. En VF, il est nommé Jacques la Balafre (!!!) et est doublé par Philippe Ogouz, rien de moins. En plus il a une voix très classe en VF, que demander de plus ?
Fumoon (Nucléa 3000 en France) (1980)
L'autre téléfilm diffusé en 1983 sur Récré A2. Ici, l'histoire se concentre principalement sur le thème de la pollution dénoncée sans concession (la scène d'introduction est particulièrement frappante, presque choquante). Le jeune Kenichi, sa sœur Pichi et leur oncle Shunsaku Ban se retrouvent confrontés à d'étranges créatures mi-humaines mi-animales qui ont décidé d'abandonner l'être humain à sa perte pour les punir d'avoir dévasté la planète Terre. Là aussi on a droit à un récit de science-fiction, mais qui a le mérite d'être mieux construit. On retrouve une nouvelle fois une galerie des personnages récurrents de Tezuka, mais beaucoup plus présents à l'écran, là où dans le cas du ''Prince du Soleil'', le personnage principal n'était pas apparu dans une œuvre antérieure. On peut citer Kenichi (qui apparaît déjà dans le manga ''Next World'' qui a inspiré ce téléfilm, mais il a ici les traits d'un adolescent), Shunsaku Ban évidemment, Pichi qui rappelle Pinoko de ''Black Jack'', Rock, Le Duc Rouge de ''Métropolis'', le traître et bien d'autres. On aperçoit même Léo/Kimba à un moment donné !
J'ai déjà parlé plus précisément de ce téléfilm dans le topic ''Les DA dont on ne parle jamais'' il y a bientôt trois ans (la vache, le temps passe vite !) et je n'y reviendrai pas davantage, car j'ai l'intention d'en parler de manière plus précise sur mon site une fois que j'aurai le temps. Sachez juste que la fin est, tout comme ''Le Prince du soleil'', vraiment touchante.
La VF de ces deux téléfilms reprend un peu les mêmes comédiens avec des rôles récurrents comme Thiery Bourdon pour les deux protagonistes adolescents (Bander et Kenichi). Je le préfère sur Kenichi, car j'ai eu l'impression qu'il se cherchait un peu sur Bander/Vif Argent malgré une prestation correcte. Il est à noter que si la traduction est très acceptable et que le casting réunit de grand noms du doublage, celui-ci a dû être quelque peu torché, car certaines scènes sont moins convaincantes que d'autres. La faute à une volonté d'utiliser ces programmes comme bouche-trou sur Récré A2 ?
Voici maintenant une présentation des téléfilms inédits en France :
Marine Express (1979)
Un téléfilm fort sympathique et bon enfant, il faut l'avouer. Dans cette histoire, Shunsaku Ban se retrouve en compagnie de Black Jack, Astro Boy, le professeur Ochanomizu et Rock (qui est le fils d'Ochanomizu ici) à l'inauguration d'un train circulant au fond des mers. Mais des inconnus bouleversent le voyage et le professeur Ochanomizu est gravement blessé dans un accident des plus étranges lors d'une escale sur une île polynésienne… Ce téléfilm revient sur l'occupation de l'armée japonaise dans ces îles durant la seconde guerre mondiale et sur les essais nucléaires. L'humour est beaucoup plus présent dans cette histoire (grâce notamment à Ban) et Black Jack retrouve sa dextérité exemplaire en matière de chirurgie. C'est également un plaisir de retrouver Astro qui n'apparaissait jusqu'à présent qu'en tant que caméo. Surtout que sa fin n'est pas des plus heureuses puisqu'il se sacrifie dans l'explosion du Marine Expres.
Bremen 4 (1981)
Ce téléfilm est inspiré du conte des Frères Grimm, ''Les Musiciens de Brême'', un conte qui a bercé mon enfance, tout comme ''Le Joueur de flûte'', ''Rumpelstilzchen'' ou encore ''Frau Holle'' (mon préféré ). Après que l'armée ait détruit son village natal et tué sa mère, le jeune Mark (Torio en VO) fuit les lieux en compagnie de sa chatte Lulu (Koba en VO), mais les deux finissent par se perdre de vue. Lulu décide de retrouver son jeune maître et fait appel à trois autres animaux, un chien, un âne et une poule (rappelons que c'est un coq dans le conte original). Arrive alors une femme extraterrestre qui leur confie à chacun une feuille enchantée leur permettant de devenir humains tant qu'ils la gardent sur leur front. Les quatre compères fondent alors un groupe de musique et remportent un immense succès dans ce pays en proie à la dictature. Jusqu'au jour où Lulu retrouve le petit Mark, désormais orphelin, en compagnie d'une petite troupe d'enfants miséreux protégés par Black Jack. L'enfant a bien changé depuis leur séparation : ayant échappé de peu à la mort, il s'est refermé sur lui-même et ne rêve que de vengeance. Rejetant d'abord Lulu qu'il ne reconnaît (logiquement) pas, Mark va finalement accepter l'aide de ces animaux anthropomorphes et lutter contre le belliqueux Karl, fils du dictateur, et responsable de la mort de la mère de Mark.
Le ton de ce téléfilm est assez étrange : la majeure partie du récit ressemble à une histoire destinée aux enfants, ce point de vue étant renforcé par l'idée d'un groupe d'animaux devenant musiciens. Pourtant, le début de l'histoire n'a rien de très enfantin (la destruction du village, la mort de la mère) ainsi que l'existence de Mark après être devenu orphelin. Néanmoins nous sommes dans un téléfilm réalisé au Japon où l'on fait bien lire ''Gen d'Hiroshima'' dès le primaire. Donc ce genre de scène n'a rien d'étonnant une fois que l'on connaît le contexte culturel du pays.
Prime Rose (1983)
Ce téléfilm est très différent des précédents : il rappelle un peu ''Le Prince du Soleil'' avec ses paysages désertiques, mais ne s'en rapproche pas vraiment. Là aussi on se retrouve face à un récit de science-fiction, mais le défi des deux protagonistes – un jeune homme venu du passé pour étudier le futur 10'000 après son époque) et une jeune fille noble refusant d'épouser le tyran régnant sur le pays – sera plutôt de pousser les esclaves à la révolte pour renverser le gouvernement en place et permettre à la jeune héroïne, Prime Rose, de reprendre sa place en tant qu’héritière légitime. L’originalité du téléfilm constitue dans sa première partie où les deux protagonistes, même s’ils se rencontrent très vite, n’agissent pas ensemble au départ. Chacun prend une voie différente bien que leurs intentions restent communes et ce n’est qu’à la fin qu’ils collaborent mutuellement. Pendant un certain temps d’ailleurs, nous ne savons pas ce qu’il advient du jeune homme, d’autant que la dernière scène où on le voit avant sa réapparition quelques vingt minutes plus tard nous le montre gravement blessé à l’œil par une flèche !
De plus, le téléfilm met vraiment en avant le personnage féminin de Prime rose ; même si son partenaire masculin (et amant, comment ça vous croyiez que ce duo n’allait pas tomber amoureux ?) est très actif, c’est vraiment l’héroïne qui a le plus beau rôle et qui sauve finalement le pays. Un personnage loin des stéréotypes de personnages féminins dans les DA japonais !
Enfin, graphiquement, si le design est toujours très tezukien, la mise en scène propose quelques plans fixes assez inhabituels dans une œuvre de Tezuka (ça rappelle un peu le style Dezaki, l’aspect aquarelle/vitraux en moins).
Bagi (1984)
Un téléfilm tout aussi surprenant que ''Prime rose'' mais dont le ton est ici plus adulte. Le personnage de Bagi est très intéressant : c’est une femelle chat (ou un puma, ce n’est pas très précis) victimes d’expériences dans le laboratoire où travaille la mère du héros, le jeune Ryo Ishigami. Bien qu’elle ait l’aspect d’un chat, elle a le corps d’une femme humain et est capable de parler. D’abord alliés, Ryo qui veut comprendre les motivations de sa mère et Bagi se mettent en route pour l’Amérique du sud avant de devenir ennemis. Bagi, réclamant vengeance, semble avoir tué la mère de son ami… Désormais, Ryo n’a plus qu’un but : éliminer celle qui fut autrefois son chat domestique puis sa complice.
Dans cette histoire, les personnages sont troubles et leurs motivations incertaines, ce qui change pas mal des précédents téléfilms où la séparation bons/méchants était de rigueur (à l’exception de Black Jack, toujours très ambigu dans ses desseins). Même Ryo n’est pas tout blanc, ancien voyou qui finit par devenir mercenaire à la fin de l’histoire. C’est une œuvre violente, bien plus que ‘’Nucléa 3000’’ par exemple, voire quasi érotique si l’on considère le personnage de Bagi comme une créature entre l’animal et l’être humain (bien qu’il n’y aura absolument aucune relation intime entre Ryo et Bagi). De loin le téléfilm le plus surprenant des six.
Soulignons que ces deux derniers téléfilms ont pour particulier de ne pas mettre en avant des personnages récurrents de Tezuka, si ce n'est en tant que caméos (on aperçoit Shunsaku Ban et Black Jack dans la foule lors de la scène de duel dans ''Prime Rose''), alors que dans les précédents certains avaient des rôles principaux.
Le coffret DVD a été très soigné : les six téléfilms ont chacun droit à un DVD, l'image est impeccable (pour le son il faudra parfois pousser un peu le volume, à moins que mes écouteurs sont en train de rendre l'âme…) et un livret explicatif y est joint. On a droit au doublage (d'époque ?) des téléfilms et à une VOST avec malheureusement, comme à son habitude, des sous-titres dignes de la grande époque Manga Vidéo, à savoir recopiés du doublage italien. Par chance, les dialogues sont assez similaires à la VO, mais le décalage entre la réplique japonaise et le sous-titrage italien gêne.
Vous êtes fan de Tezuka et avez quelques petites notions d'italien ? Vous avez envie de revoir les deux téléfilms diffusés en France et êtes prêts à faire l'impasse sur la VF ? Ce coffret est donc indispensable, d'autant que le prix reste très correct pour le contenu (environ 50 €).