Ouf, on retrouve ce bon vieux forum ! J’avais hâte de lire tes impressions sur la fascinante saga lunaire, cher Xanatos ! un des points forts d’Hergé y est la synthèse parfaite entre le sérieux – voire l’angoisse – et l’humour, ainsi que tes souvenirs des deux albums en font foi. Au moment d’embarquer, à la fin d’Objectif Lune, Haddock ne compare pas expressément la fusée à un cercueil volant (l’image lui viendra quelques cases avant la fin de la saga, quand Tournesol parlera de retourner sur la Lune) mais il émet des remarques et hypothèses totalement pessimistes. D’ailleurs comme il excluait encore une fois de partir quelques jours avant, Wolff lui ayant indiqué que son (énorme) caisse de “deux ou trois bouteilles de whisky” ne serait pas embarquée, ni son (gros) colis de tabac pour sa pipe, il n’a changé d’avis que parce que les Dupondt lui ont dit : “Vous avez mille fois raison ! A votre âge, ce serait de la folie !” Il pique alors une crise inverse : “Espèces de Bachi-Bouzouks, vous me prenez peut-être pour une vieille coque rouillée, bonne pour la ferraille!!?? Je pars, m’entendez-vous ?” Et en s’embarquant juste donc pour ne pas perdre la face, il déclare à Tintin : “C’est de la folie furieuse ! Et dire que c’est grâce à moi que Tournesol a retrouvé la mémoire ! Je ne m’en consolerai jamais!” (et il répétera ce regret sur sa couchette peu avant le départ). Tintin ne répond pas et continue comme dans tout ce premier album à sembler détaché et sans émotion particulière. Peut-être Hergé s’est-il dit que cela commençait à sembler étrange aux lecteurs : en passant la porte de la fusée, notre héros s’adresse à son chien : “Entre nous mon vieux Milou, je t’avoue que j’ai sérieusement le trac!” Sur sa couchette, il se demande si, ayant vécu pas mal d’aventures, celle-ci ne sera pas la toute dernière. Les trois autres sont tout aussi angoissés. Coup de génie d’Hergé pour nous rendre le héros sympathique par une émotion supérieure aux autres : Tintin entend BOUM, BOUM, BOUM, se demande “D’où viennent ces coups sourds et réguliers?” puis, à la case d’après comprend “Ce sont les battements de mon propre coeur!” Toutefois il a passé 56 pages sans se poser de questions, ce qui est à peine croyable il faut bien le dire… Malgré les événements souvent dramatiques, dans On a marché sur la Lune, le capitaine continue à assurer le comique. Ayant à travailler sérieusement, il chasse les Dupondt de son compartiment de fusée, et sort un des trois gros volumes qu’il a apportés, un “Traité d’Astronomie”. Il prend un air sévère, concentré : “C’est ici que les Romains s’empoignèrent !… Au travail !…Au travail !…” Dans la case muette qui suit il ouvre le bouquin avec un sourire de jubilation… et le lecteur découvre deux bouteilles de whisky cachées dans le “Traité”. Mais après que, complètement beurré, il ait provoqué un petit drame en voulant “retourner à Moulinsart”, il se comportera parfaitement et efficacement, sauvant même Tintin tombé dans une faille lunaire. Le relais du comique sera alors assuré par les deux Dupondt, d’une bêtise superlative et même d’une ignorance crasse, au point de croire qu’il y a des spectacles de cirque sur la Lune ! Et l’on retrouve à la fin un gag récurrent : Haddock au retour sur Terre est dans un état désespéré, le médecin résigné parle d’un “coeur très affaibli chez ce grand buveur de whisky”, et au seul mot “whisky”, le capitaine arrache son masque à oxygène, revenu soudain à la vie pour réclamer sa boisson favorite ! Oui, Xanatos, ce livre que tes parents t’avait offert, j’en ai jadis entendu parler, et il paraît qu’Hergé avait souvent vu très juste, en 1953 / 1954 !
Ouuuuui ! C’est vrai, je me souviens de la fin de Objectif Lune !
Les quatre passagers étaient en effet angoissés, même le professeur Tournesol qui de prime abord paraissait confiant se retrouvait en proie au doute et avait déclaré “Saperlipopette ! J’espère que je me suis pas trompé dans mes calculs !”
Je me souviens en effet très bien de la scène où ce brave capitaine clamait qu’il voulait se cultiver alors qu’en fait, il voulait satisfaire ses papilles gustatives en se délectant de bouteilles de whisky ! 😆
C’est par ailleurs là qu’on constate que Hergé a minutieusement étudié et maîtrisé son sujet, car, quand l’apesanteur de la fusée se volatilise, le whisky se transforme en bulle liquide, ce qui arrive à tous les liquides dans ce type de situation !
Le dénouement avec Haddock revenant à la vie en entendant le mot Whisky était en effet très drôle ! 😆
Ceci dit le passage le plus cocasse est la chute (c’est le cas de de le dire !) où Tournesol projette de faire un autre voyage dans l’espace, le capitaine refuse en déclarant “On est jamais mieux…” puis, trébuche et tombe par terre en concluant “que sur notre bonne vieille Terre !” 😆
Tu fais bien de souligner qu’en effet, après la bévue qu’il a commis, il a en effet sauvé la vie de Tintin en se montrant compétent et efficace.
Au sujet de Tintin, je dois te dire que j’ai été moi aussi été étonné qu’il n’ait réalisé qu’il avait commis peut être une erreur en prenant part à ce voyage uniquement à partir du moment où il était à bord de la fusée et qu’il ne s’en soit pas rendu compte avant !