Personnalité de la semaine : Tetsuya Chiba

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Avec une carrière de plus de cinquante ans, Tetsuya Chiba est une légende vivante du manga. À 80 ans passés, il reste toujours d’actualité, en s’attaquant à un sujet d’aujourd’hui, le coronavirus !

Son enfance, Tetsuya Chiba la passe en Mandchourie, à Mukden (ville renommé Shenyang lors de son incorporation par la Chine), en raison du conflit sino-japonais – un passé dont il témoignera dans son autobiographie Journal d’une vie tranquille (disponible aux éditions Vega). Une fois celui-ci terminé en 1945 sa famille peut retourner dans son Japon natal, où dès l’âge de 10 ans en 1950, il dessine avec un camarade son premier manga. Six ans plus tard, le loisir est devenu pour lui une affaire sérieuse : en signant avec les éditions Nisshokan, il espère avant tout nourrir ses parents et ses trois cadets grâce au marché en plein essor des mangas de location ! Dessinateur versatile, Tetsuya Chiba est vite repéré par Shueisha et fait les beaux jours de leur magazine Shôjo Book, jusqu’à ce que Kôdansha ne lui offre un contrat lui laissant un plus large champ d’expression artistique en 1958.

Son manga de base-ball Chikai no Makyû sert ainsi de tremplin de décollage au Shônen Magazine, fondé en 1959, auprès des petits garçons, pendant que des séries telles que 1-2-3 to 4-5 Roku ou Yuki no Tayô proposent enfin aux petites filles des personnages ancrés dans le réel, bien loin des héroïnes de conte habituelles dans le shôjo. Après le galop d’essai Harris no Kaze en 1966, il reprend son concept d’un personnage principal revêche, sportif et entêté, pour donner naissance à un pilier fondateur du manga, Ashita no Joe (disponible aux éditions Glénat). Scénarisée par Ikki Kajiwara (auréolé depuis les succès de Kyojin no Hoshi et Tiger Mask), la série qui relate la revanche sociale sur le ring de Joe Yabuki, petite frappe des bas-quartiers de Tokyo reconverti en boxeur, deviendra un phénomène de société. En mars 1970, les fans se regroupent pour une cérémonie d’obsèques bien réelle d’un personnage du manga, qui se retrouve également cité par le groupuscule terroriste Fraction Armée Rouge quand ils détournent un avion vers la Corée du Nord !

Tout comme son héros Joe, Tetsuya Chiba sacrifie sa santé pour mener à bout son manga, frappé par des ulcères qui le cloueront un mois au lit en 1971. Néanmoins, une fois Ashita no Joe terminé, il embraye en 1973 avec Ore wa Teppei, comédie shônen qui voit un sauvageon façon Huckleberry Finn perturber le système scolaire, puis Notari Matsutarô, seinen mettant en scène un apprenti sumo peu dégourdi. Le premier titre durera sept ans dans le Shônen Magazine, et le second… vingt-cinq ans dans le Big Comic, grâce au soutien de son frère scénariste Tarô Nami. Le suicide en 1984 de son cadet mangaka, Akio Chiba, incitera Tetsuya à limiter la voilure et ne plus s’embarquer dans des projets chronophages. Ainsi, en 2018, pour son autobiographie, il préfère livrer des chapitres très courts, de quatre pages, mais intégralement en couleurs ! Et quand la pandémie de covid-19 frappe son pays, Tetsuya Chiba choisit de publier sur Twitter les planches que lui inspirent la situation de crise, avant de les compiler, sous le titre Akudama, dans le magazine Morning de cette semaine. À 81 ans, le mangaka reste ainsi toujours en phase avec son époque !

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A propos de l'auteur

Matthieu Pinon