Chroniques Manga : le fil rouge de la Mangathèque AnimeLand !

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Afin de garder un œil sur l’avalanche de sorties manga déferlant sur le marché en France, AnimeLand vous propose un fil rouge de chroniques actualisé chaque semaine. Ainsi, tel feu la mangathèque de notre magazine, nous vous proposons ici des reviews de tailles variables, à suivre dans un lien unique. Un bon complément à notre revue trimestrielle et une façon de ne pas noyer les sorties entres-elles :

Les Enfants d’Hippocrate

On continue cette semaine avec un manga qui a eu pas mal de visibilité sur les réseaux avec un kit presse magnifique envoyé par Mangetsu ! Mais au-delà de ces réceptions, le titre est une petite pépite qui mérite d’être bien plus lue ! Paru le mois dernier, Les Enfants d’Hippocrate est le nouveau titre du talentueux Toshiya Higashimoto (voir son compte Twitter), à qui l’on doit déjà Le Bateau de Thésée (disponible chez Vega-Dupuis). Prépublié dans le Big Comic Spirits de la Shôgakukan et avec 5 volumes au compteur, ce manga rejoint l’excellente collection Life de l’éditeur Mangetsu.

プラタナスの実. Le fruit du platane. Une tournure très poétique, à la japonaise, pour définir une œuvre d’une justesse folle. Le platane serait l’arbre sous lequel Hippocrate (celui du serment des médecins du coup) aurait appris la médecine à ces élèves. Ne nous remerciez pas pour cette anecdote à ressortir aux repas chiants. Et en effet, Les Enfants d’Hippocrate nous invite dans une plongée au cœur de la pédiatrie au Japon. Maco est un jeune pédiatre assez extravagant et Youtuber pendant son temps libre. Malgré son apparence et son comportement assez déconcertant, il sauve chaque jour des patients miniatures avec gentillesse et tact.

 

 

Les Enfants d’Hippocrate nous en apprend beaucoup sur la médecine et sur les maux qui touchent les bambins. Les mots du jargon médical, jamais édulcorés, sont d’ailleurs traduits à la perfection par Ryoko Akiyama, qui arrive à le rendre compréhensible dans son intégralité, via ses notes de bas de page. Plus qu’un aperçu de la pédiatrie, c’est un portrait réaliste que nous offre Toshiya Higashimoto. Il nous rappelle, à raison, que la pédiatrie n’est pas réservée aux nourrissons ou aux jeunes bambins, mais bien aux enfants et adolescents, jusqu’à leur majorité.

Le personnage de Maco constitue un des points les plus intéressants de ce manga. Loin du docteur modèle, surtout en pédiatrie, il excelle dans sa discipline sans jamais s’en vanter. On notera le lettrage d’Elsa Pecqueur qui sublime cette capacité hors du commun, avec des scènes d’une intensité incroyable et parfaitement semblable aux planches japonaises. Pour revenir à Maco, alors que les clichés nous suggèreraient plutôt une femme en pédiatrie, le lecteur se trouve face un homme androgyne aux passions étranges qui peuvent même lui causer du tort, comme dans le premier chapitre où un policier l’arrête dans un parc parce qu’il le prend pour un exhibitionniste avec son long manteau et sa peluche à la main. Mais au fil des chapitres, il s’avère que ce pédiatre possède un passé somme toute assez classique, bien que tragique, que l’on retrouve régulièrement dans les séries et bouquins mettant en scène des médecins, rendant la révélation peut-être un peu décevante. 

 

C’est donc encore une bonne pioche pour Mangetsu qui excelle dans tous les genres de manga. Peu de personnes auraient imaginer apprécier autant un manga sur la pédiatrie (moi, la première) et pourtant la lecture de ce titre est frénétique et une larme à l’œil se dessine parfois sur la joue à la fin d’un volume… À lire absolument, même si les enfants ne sont pas vraiment votre tasse de thé !

Joséphine Lemercier

Fiche technique 

  • Titre original : Platanus no Mi (comme expliqué plus haut !)
  • Nombre de tomes : 2 (en cours)
  • Genre : médical, mais avec des enfants adorables
  • Prix : 7.90 euros

Intérêt : 🩺 🩺 🩺 🩺

Avec un personnage excentrique et un sujet original, Les Enfants d’Hippocrate se place vraiment comme un incontournable de chez Mangetsu. On notera également l’excellente et vulgarisante traduction ainsi que le lettrage parfait proposés par l’éditeur. Profitez de Japan Expo pour vous procurer les premiers volumes !

 

Que reste-t-il de nos rêves ?

Sorti en avril dernier, ce titre est malheureusement passé plutôt inaperçu, l’éditeur L’Atelier Akatombo n’ayant pas l’habitude de publier des mangas. Que reste-t-il de nos rêves ? est un diptyque écrit et dessiné par la mystérieuse Yumi Sudô, dont on ne sait hélas pas grand chose. Elle serait une trentenaire et aurait fait ses armes en tant assistante de Shin Takahashi, bien connu pour son manga Larme Ultime par exemple.

On sait tout de même que Yumi Sudô aime beaucoup mettre en scène des romances lesbiennes dans ses récits. Et Que reste-t-il de nos rêves ? ne déroge pas à la règle mais offre son lot d’originalités très bienvenues ! Deux femmes de 85 ans se retrouvent en 2018 : l’une, Kiyoko, perd la mémoire et ne reconnaît plus sa famille; l’autre, Mitsu, ne semble pas subir le poids du temps. Mais un drame après leurs retrouvailles va faire remonter un bon nombre de souvenirs à l’une de nos protagonistes…

Ce manga nous envoie dans un voyage dans le temps où le lecteur trouvera des réponses à des questions issues du premier chapitre, mystérieux, nébuleux et infiniment triste. Qui sont ces deux femmes ? Quelle est leur véritable relation ? Pourquoi ne se voyaient-elles plus ? La narration s’élance et nous avec : direction la fin des années 1980 ! Et ainsi de suite jusqu’à la fin des années 1940. Dans un Japon à peine sortie de la guerre, les femmes et surtout les lesbiennes ne sont pas les mieux loties. Contraintes de trouver un mari, les femmes sont poussées par leur famille à se soumettre à leurs choix. Il faut un substitut de fils, après avoir perdu les fils biologiques à la guerre.

On peut donc saluer ce goût du détail et de la référence à chaque chapitre du manga. En 1969, le journal télévisé présente les premiers pas de l’homme sur la Lune, avec un ressentiment sous-entendu des Japonais vis-à-vis des Américains. On y découvre les mères de Kiyoko et de Mitsu, qui ont vécu à l’ère Meiji et ont découvert la modernité avec leurs filles. On constate avec étonnement que les filles japonaises n’avaient pas le droit de faire de vélo en 1948. Et enfin, Mitsu découvre un dessin d’un artiste inconnu qui aurait copié Hokusai, représentant une scène érotique entre deux femmes, une révélation pour elle.

Mais plus qu’une capsule temporelle, on a avec Que reste-t-il de nos rêves ? une romance tragique, entre deux femmes qui ne peuvent s’aimer, n’étant pas nées à la bonne époque. Le trait de Yumi Sudô nous transporte dans la mélancolie de Mitsu la rebelle et de Kiyoko, plus réservée. Les décors ne sont pas spécialement marquants mais nous permettent de situer facilement l’époque. Les pleines pages sont quant à elles sublimées par les noirs profonds de la planche.

Malgré l’onirisme du récit et la douceur du trait, le gros problème de ce titre réside dans l’édition de l’ouvrage et notamment sa traduction. Les phrases japonaises d’origine se devinent sous la traduction française, les expressions sont transposées littéralement, rendant la compréhension difficile. La lecture se fait parfois en butant sur des pages, de par le manque de fluidité des bulles. Et en parlant de bulles, la maison d’édition a fait le choix de ne pas mettre de points “simples” à la fin des phrases : seuls les points de suspension, d’interrogation et d’exclamation ont le droit d’exister. Le point manquant, les phrases paraissent malheureusement incomplètes…

Bien que les choix de traduction de l’éditeur compliquent grandement la lecture, l’histoire de la mangaka est si belle et nécessaire, qu’on ne peut que saluer la maison d’édition d’avoir permis à ce titre de rencontrer son public français. Il n’a que deux volumes, ne passez pas à côté d’un joli yuri comme celui-ci.

Joséphine Lemercier

Fiche technique 

  • Titre original : Yume no Hashibashi
  • Nombre de tomes : 2 (terminé)
  • Genre : comédie dramatique
  • Prix : 9.80 euros

Intérêt : 📞📞📞

Un couple très touchant cherche à vivre leur romance toute leur vie sans jamais y parvenir. Une romance lesbienne amère, bourrée de références littéraires et de détails pointus sur l’Histoire du Japon qui aurait mérité une traduction de meilleure facture.


Gannibal

Bien que le manga compte déjà 9 volumes disponibles en France et ait suscité un certain intérêt auprès de la communauté manga, Gannibal mérite totalement de figurer ici. Cette perle scénaristique et graphique proposée par Meian s’est achevée l’année dernière avec 13 tomes (après une publication dans le Weekly Manga Goraku) et devrait être adaptée en série live pour Disney + en cette fin 2022. 

Masaaki Ninomiya tape (très) fort avec son deuxième (!!) manga. On suit Daigo Agawa, policier muté à la campagne avec sa famille. Très vite, alors que les villageois semblent plutôt amicaux, il découvre la fin tragique de son prédécesseur, l’agent Kannô, qui était persuadé que les habitants étaient cannibales. Au fil du manga et de l’enquête de Daigo, on découvre d’abord un protagoniste magnifiquement écrit, enclin au doute, à la remise en question et à une détermination sans faille, passant ainsi du gentil policier de campagne à un enquêteur chevronné prêt à tout sacrifier pour découvrir la vérité. 

Gannibal nous plonge dans l’horreur progressivement, au fil des indices disséminés dans des planches sublimes, d’un réalisme déconcertant. Les double-pages sont d’une force impressionnante, à la manière de “screamer” bien qu’elles restent rares et ne versent jamais dans le gore bête et gratuit. Au delà du dessin qui met en valeur des visages super réalistes et crédibles, le scénario prend à la gorge les lecteurs. C’est simple, une fois dedans, on ne peut plus arrêter sa lecture. À la manière d’une enquête de police haletante, Masaaki Ninomiya (voir son compte Twitter) nous place au même plan que Daigo : on ne sait rien et on se fie à ce que l’on entend ou voit, aux rumeurs et aux faits avérés. Le lecteur devenu paranoïaque se retrouve donc à errer de page en page entre certitudes et dessilutions avec une question en tête : qui croire ? Les plus innocents de prime abord sont-ils réellement ce qu’ils prétendent être ?


Daigo entre au fil des volumes dans un dilemme certes plutôt courant mais amené magistralement : continuer ses recherches sur ce village cannibal, qui a coûté la vie à son prédécesseur, tout en mettant en danger sa femme et sa fille ou partir avec sa femme et sa fille et laisser des gens sans foi ni loi dans la nature. Finalement, le lecteur a beau s’identifier au personnage principal, il se retrouve aussi parfois dans une position omnisciente. Une scène du volume 3 (sans spoil évidemment) présente Daigo et sa femme en train de se peloter (disons les termes), quand ils découvrent alors qu’une personne les épie, le nez collé à la vitre. Cette scène peut faire office d’électrochoc. Sommes-nous des voyeurs, qui volent l’intimité de ce couple ? Ne pouvons-nous rien faire pour sortir cette famille d’une histoire anxiogène qui la détruit à petit feu ? Ou alors, sommes-nous aussi observés par ce clan Gôto aux traditions mystérieuses ?

Là aussi, le manga ne tombe pas dans les clichés du genre. Le cannibalisme n’est pas forcément gore. Le cannibalisme ne sert pas forcément des histoires glauquissimes. L’anthropophagie peut totalement être le point de départ d’une réflexion bien plus philosophique comme la nécessité de respecter les traditions au point d’en être prisonnier, le rejet de l’étranger pour conserver un entre-soi destructeur ou encore le pourquoi les cannibales en viennent-ils à manger des humains et même leurs pairs finalement.

Gannibal est classifié comme un manga d’horreur. En effet, certaines scènes peuvent être très graphiques. Mais c’est davantage l’ambiance oppressante qui donne à ce titre un côté effrayant. Perdu dans la forêt, entouré de personnes aux multiples secrets et avec une famille à protéger, Daigo représente pourtant l’anti-héros du film d’horreur classique. Il ne fuit pas, se bat jusqu’au bout en réflechissant consciencieusement à ses actes. On pourrait donc comparer ce manga à un film horrifique d’ambiance comme Hérédité d’Ari Aster sorti en 2018, bien que le côté thriller ou enquête psychologique le rapproche également de classiques comme Seven de David Fincher en salle en 1996.

Un véritable chef d’œuvre que nous offre Masaaki Ninomiya et une pêche fructueuse pour l’éditeur Meian avec un titre qui devrait encore faire parler de lui avec son adaptation live. En même temps, il a tout d’un film de haute volée : un scénario irréprochable et des planches sublimes. À surveiller de très près !

Joséphine Lemercier

Fiche technique 

  • Titre original : Ganibaru, donc Gannibal en fait
  • Nombre de tomes : 9 (en cours)
  • Genre : pas vraiment de l’horreur hein, plutôt une enquête glauque mais palpitante
  • Prix : 6.95 euros (que vous faut-il de plus pour commencer ?)

Intérêt : 🥩🥩🥩🥩🥩

Avec une magnifique fabrication sur les volumes à un prix très correct, Meian nous présente un auteur qui se place, dès son premier manga, au niveau des plus grands. Une enquête palpitante avec un protagoniste plus qu’attachant dans un village reculé peuplé de potentiels cannibales, le tout illustré d’une main de maître, vraiment, foncez les yeux fermés.

Steam Reverie in Amber

Le jeune éditeur Noeve frappe fort en cette fin d’avril avec le mangarbook (on peut s’amuser à inventer des termes) Steam Reverie in Amber signé de la talentueuse Kuroi Mori (voir son compte Twitter et Instagram), artiste habituée à travailler pour Square Enix (Bravely Default mais aussi NieR). Et Noeve ne fait pas les choses à moitié puisque ce ne sont pas moins de trois éditions qui sont mises en vente.

La présente chronique s’arrêtera sur le cœur de l’œuvre, à savoir le bouquin en lui-même (nous n’avons pas encore pu mettre la main sur les différentes box). Edité fin 2020 au Japon, ce livre se présente comme un recueil d’histoires et d’illustration, et un mot de l’autrice en fin de volume permet de connaitre l’origine et la date de ces travaux (certains date de 2018 et 2019). Néanmoins, ne vous attendez pas à une « simple » compilation. Il y a tout un fil rouge thématique et artistique.

De gauche à droite (oui) nous avons un prologue, une introduction, des fiches personnages (répondant aux signes du Zodiaque), une narration à la 3e personne pour découvrir ce gracieux monde aérien steampunk qui met en scène une bibliothèque volante (un aéroplane pour être précis) pouvant être vue par ceux ayant le cœur brisé. Au gré des petits chapitres et des textes, nous faisons la rencontre de ses visiteurs. Par une planches, des poèmes, des textes ou des morceaux d’illustrations, l’autrice parvient à matérialiser une connexion entre des personnages qui se sont perdus de vue. Car les visiteurs qui montent à bord de la bibliothèques sont souvent à la recherche d’une personne ou d’un livre perdu… C’est le cas de premier personnage, un moine, qui recherche une geisha. Il n’en faut pas plus à l’autrice pour créer un monde et raconter quelque chose.

Steam Reverie in Amber fait partie de ces œuvres au parfum « doux amer » (c’est une expression qui conclue29 l’ouvrage), avec ces personnages en morceaux, abimés, mais l’esthétique est si doux et charmeur que la pilule semble mieux passer. Le temps d’un café, les personnages évoquent leurs doutes et craintes, comme si le temps n’existait plus et qu’ils pouvaient tranquillement s’ouvrir à nous.

Artistiquement, Kuroi Mori est très douée. Bien que nous ayons là certains morceaux publiés en amateur, ils ont tous très aboutis sur le plan technique, et le travail sur la couleur, tout en légèreté, donne de la vie et la matière au récit. Appréciez les détails des mécanismes, la finesse accordée aux vêtements et l’élégance de l’acting. Une lecture que l’on peut logiquement ranger aux côtés de la merveille Veil, mais aussi de Escale à Yokohama.

Fiche technique 

  • Titre original : Vapeur rêveuse pleine d’ambre (c’est pas vrai)
  • Nombre de tomes : 1 (one-shot)
  • Genre : ca fait rêver
  • Prix : 3.95 euros (non on rigole, 15.90 euros)

Intérêt : ☁️☁️☁️☁️☁️

Si les coffrets collector ne seront pas pour toutes les bourses, on peut vous rappeler que le coeur artistique et philosophique de la talentueuse Kuroi Mori réside dans l’édition simple. Un simple voyage plein de mélancolie et de vague-à-l ‘âme , beau et bardé de petites attentions qui se dévore à petits bouts, un café à la main. Une très belle pioche pour Noeve

 

The Most Notorious “Talker”

Saikyô no Shien-shoku “Wajutsushi” Dearu ore wa Sekai Saikyô Kuran o Shitagaeru. Oui, c’est le titre original de The Most Notorious “Talker“, l’une des sympathiques curiosités du catalogue de Meian. Cette aventure type fantasy s’ouvre avec la formation d’un jeune garçon qui souhaite devenir un grand guerrier comme son grand-père, un combattant si puissant qu’une malédiction a frappé sa famille. Mais au moment d’évaluer son potentiel, on apprend que son job (classe) est faible : il n’est qu’un Talker, soit un membre de soutien. Ce n’est pas tout, en plus d’être orphelin, il va perdre son grand père, soit son seul parent qui l’a élevé et entrainé. Mais le petit garçon n’en démord pas, il sera un Seekers comme son papy ! On comprend très vite, nous sommes dans un récit de guerre façon “évolution d’un personnage désavantagé par rapport aux autres“. Si The Most Notorious “Talker”, écrit par Jaki, nous est apparu intéressant, c’est davantage grâce au dessin de Yamori-chan (voir son compte Twitter).

Premièrement, il y a une forme d’ambition dans son approche, avec des idées dans le découpage, très varié, bannissant les plans bateau. Avec l’aventure comme cadre et le parcours initiatique en toile de fond, le titre demande de dessiner un paquet de poncifs inhérents au genre : château, armure, épée, pouvoir magique…Yamori-chan ne pond pas des dizaines de décors, mais il (elle ?) est assez bluffante en ce qui concerne le reste. Avec son trait un peu besogneux et un line irrégulier, ses personnages et son bestiaire ont de la vie. On devine que l’artiste use du numérique, mais ce rendu casse la rigidité et l’aspect trop clean que l’on aperçoit parfois sur les utilisation tablette. Les dégradés volontaires rappellant même l’approche d’un Shin’Ichi Sakamoto (mais avec beaucoup moins de régularité, sans stock répétitif).

Un côté très rough que l’artiste aime conjuguer avec une simple trame, sans variation. Et concernant les scènes d’action, il ne cherche pas non plus le confort coûte que coûte, optant pour des planches pleines de fouge. Ses designs racés qui tranchent avec des mains plus ronde apportent de beau contraste. Cela se retrouve aussi dans la sauvagerie du monster design et la classe, la finesse, des personnages centraux comme ici bas.

 

Il n’y a pas de règle établie pour définir si cela suffit à faire un bon manga, mais The Most Notorious Talker est façonné par un tueur en dessin. Et ça, ce n’est pas donné à tous les titres du marché.

Lire un extrait à cette adresse

À côté de sa belle et singulière expression graphique, le manga offre une aventure bien vivante, boostée par une “vie de groupe” efficace sur les champs de bataille. Le héros (doté de guns) à une bonne tête, est malin, et même si sa clique est classique, l’alchimie donne deux tomes bien remplis pour le moment. Arrivé dans le Comic Gardo d’Overlap en 2020, ce titre fantastique compte 3 tomes à ce jours et continue sa publication.

 

Fiche technique 

  • Titre original : c’est marqué au début de la chronique
  • Nombre de tomes : 3 (en cours)
  • Genre : bien gratté
  • Prix : 6.95 euros

Intérêt : 🔫🔫🔫🔫

“The Most Notorious “Taker” contient tous les ingrédients d’une quête fantasy classique, avec un gros penchant pour l’action. Si l’aventure est  relativement bien menée, la qualité du titre réside dans son dessin. On aime  le chara design atypique de Yamori-chan et sa propension à favoriser le mouvement et un cadrage nerveux. C’est ce qu’on appelle un manga de dessinateur, quand le style et le coup de crayon prennent le pas sur tout le reste. Une bonne pioche pour Meian, etun talent à suivre.

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The Witch and the Beast

The Witch and the Beast s’insère parfaitement dans le fil de cette mangathèque visant à éviter les titres moins exposés de se  laisser noyer par les sorties manga, exponentielles. Dans sa formule, à savoir titre d’action bien foutu -liant deux personnalités bien opposées- souvent spectaculaire et ne cédant pas à la facilité, il peut se rapprocher d’un autre titre de Pika passé un peu inaperçu, Spirits Seekers. Et tout comme cette dernière, la série The Witch and the Beast de Kôsuke Satake -un nouveau nom- n’offre pas un concept ou une approche totalement originale par rapport à l’offre actuelle. Et dans un “milieu” où la concurrence est rude, le lecteur, la lectrice et même les critiques ne sont pas toujours suffisamment patient avec un tome 1 (voir un chapitre 1 s’ils n’ont pas ce qu’ils veulent tout de suite!).

 

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Comme évoqué plus haut, le titre offre un binôme déjà vu, réunissant une tête brulée (la fille à droite sur le visuel, véritable bête) et le classieux fumeur (le sorcier, qui ressemble au Joker de Jared Leto). Pour autant, l’interaction fonctionne bien car l’auteur sait faire dialoguer ses personnages et appuie volontiers sur le caractère de chacun. Si ce binôme, chargé de régler des cas de sorcelleries, n’est donc pas le plus original (l’un est le cerveau, l’autre l’exécuteur), il a suffisamment de gueule pour retenir notre attention.  Qu’à cela ne tienne, l’intérêt du titre réside bien dans son expression graphique. Ça commence d’abord par l’ambiance légèrement gothique, très noir et urbaine. Une classe et une froideur qui se retrouve dans les covers des volumes et offre une belle prestance à ce titre de Dark fantasy. Plus généralement, le ton n’est pas à la rigolade même si les gimmick de Guido (la bête colérique, avide de vengeance) viennent sauvagement apporter une pointe d’humour. Le ton des affaires traitées sont dramatiques et pour l’instant on assiste à aucun sas de décompression pour faire retomber le soufflé. Précisons enfin que la série est arrivée en 2016 chez Kodansha via le Young Magazine the 3rd. (Gleipnir).

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Lire un extrait 

The Witch and the Beast propose donc des récits d’enquête et de traque de phénomènes dits de sorcellerie. Et après les belles gueules et l’ambiance soignée, ce sont les séquences d’action qui font office d’argument de séduction. Satake ne cède pas à la facilité (addition de splash pages) pour proposer des affrontements d’envergure, qui ne s’étirent que très peu. Entre invocation, magie, baston pure au corps à corps et transformation, l’auteur aime la démesure et ne minimalise jamais le rendu de ses décors pour cacher la misère, préférant jouer la carte du mouvement plutôt qu’assurer une visibilité totale. Au delà de son trait et de son énergie, The Witch and the Beast avance aussi une narration de bonne qualité, aérée ci et là par un très bon sens de la composition et du découpage. Idéal pour gonfler l’enjeux de certaines quêtes et marquer une respiration. S’il s’agit de la première série longue de l’auteur, alors voilà un artiste déjà bien mature et maitrisant son exercice. Reste à voir où l’histoire nous mènera.

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Fiche technique 

  • Titre original : Majo to Yajuu
  • Nombre de tomes : 8 (en cours)
  • Genre : un sorcier et une bête mais c’est bien
  • Prix : 7.95 euros

Intérêt : 🦷🦷🦷

“Semblable, de loin, à mille autres titres de dark fantasy, The Witch and the Beast peut se targuer d’un dessin abouti et généreux, d’une ambiance urbaine bien froide, en plus d’une interaction efficace habitant son duo de protagoniste. Un bon éclairage sur le talent de Kôsuke Satake. À surveiller”


 

Kowloon Generic Romance

Après l’excellent Après la pluie, l’éditeur Kana remet le couvert avec un autre titre de la talentueuse Jun Mayuzuki, Kowloon Generic Romance (décidément les femmes sont à l’honneur ici). Une petite merveille qui rejoint la superbe collection Big Kana (Agharta, Levius, Ushijima, Un Monde formidable…) et qui poursuit son parcours au Japon après 5 tomes parus depuis son arrivée en 2019 dans le Shuukan Young Jump.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Kowloon est un titre à l’ambiance relativement difficile à cerner. Tant est si bien que cela en devient séduisant. Il offre à la fois l’histoire d’une romance plus ou moins contrariée, mais aussi et surtout un aspect contemplatif, très tranche de vie (pour ne pas dire tranche de pastèque). Puis ce premier tome s’achève sur la confirmation d’un récit SF avec un clap de fin à nous écarquiller les yeux. À ce titre, je conseille de ne pas lire le synopsis (et ca vaut pour tous les titres!) afin de s’y plonger sans armes ou repères. Sachez juste qu’on y suit la vie de deux salariés d’une agence immobilière au cœur d’une ville calquée sur la citadelle Kowloon de Hong Kong.

Lire un extrait.

On ne s’avancera pas pour dire que l’autrice se dévoile à nouveau intimement ici (elle s’identifie fortement à l’héroïne d’Après la pluie), mais cette admiratrice d’Ai Yazawa convoque à la fois une forme de romantisme made in cinéma HK et l’immersion dans une société cruelle dans laquelle survivent les pensées nostalgiques de ses personnages. Un constat tenu par une interrogation qui revient souvent (“Est-ce de l’ambition démesurée ou du romantisme ?“), légèrement adoucie par un humour plein d’aplomb, ce qui permet de désamorcer la situations (ou le rapprochement entre notre duo de salariés). Une épée de Damoclès plane sur nous et les personnages, sans savoir quelle sera la sanction. Puis vient l’ultime page. Mais ca, on en reparlera.

D’un point de vue technique, Jun Mayuzuki, experte du découpage, offre un récital. Elle sait 16capter l’érotisme, souligner la grâce d’un geste (ou insister en plusieurs case sur un protagoniste qui s’étire) et digère tout aussi bien l’interaction entre les personnages (qu’elle soit taquine ou muette). Kowloon offre, tout comme Après la pluie, plusieurs séquences sans le mot dans lesquelles le cadrage parle à la place des personnages, à l’image de sa superbe introduction. En matière de “mise en scène”, elle offre encore un modèle de variété, de sensibilité, jouant du rythme (la taille des cases) avec justesse pour partager le doute, le regret ou l’étonnement (avec une forme de réalisme). On croit en ces personnages.

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Un très bon choix de Kana donc, et une œuvre à soutenir pour quiconque aime les titres à l’identité forte et à l’expression technique aboutie. Kana a également choisi de proposer des couvertures différentes de l’œuvre originale. Posées côte à côte, la différence est notable, mais le choix de Kana – validé par l’auteure- n’est pas complètement éloigné de la branche dystopique du récit.

Fiche technique 

  • Titre original : Kowloon Generic Romance
  • Nombre de tomes : 5 (en cours)
  • Genre : dernière page qui tue
  • Prix : 7.45 euros

Intérêt : 🍉🍉🍉🍉

Résumé : “Ne lisez pas le synopsis !!!!!!!!”


Don’t Call It Mystery

C’est une nouveauté qui vient combler, un tant soit peu, une hérésie du paysage manga en France. Avec Dont Call it Mystery, la label Noeve fait revenir l’autrice Yumi Tamura dans nos rayons. Pour ceux ou celles ayant raté le précédent wagon, ils risquent de ne pas pouvoir le rattraper puisque son manga 7 Seeds (vous pouvez ignorer l’anime) ne fut que partiellement proposé chez nous, tandis qu’il faut céder deux ou trois reins pour espérer choper certains tomes de Basara. En attendant un miracle, c’est Don’t Call it Mystery qui se présente, et c’est tout aussi appréciable que les précédentes séries de l’auteure (vous pouvez lire son portrait à cette adresse ou visiter son site officiel).

Don’t Call it Mystery -ou Mystery to Iu Nakare  en version originale –  a d’abord été une histoire courte, en 2016, avant de devenir une série en novembre 2017 et d’être nommée plusieurs fois aux Taishô Awards. Le récit s’offre comme un titre d’enquête dans lequel le protagoniste principal, un étudiant, fait montre de ses capacités de déductions pour résoudre différentes affaires dramatiques se présentant à lui.

Dans ce type de récits mettant en avant des génies, façon Sherlock, le rôle des dialogues est primordial et Yumi Tamura maitrise l’exercice avec aisance. À y regarder de près, le manga est relativement minimaliste dans son expression graphique (c’est un art de croquer le doute ou le remord en quelques traits), et les intrigues se développent dans des espaces clos (il n’y a pas d’efforts conséquents pour dresser des décors -on a parfois quelques traits sur une photo- la reconstitution des faits est très succincte), et pourtant tout fonctionne grâce à l’interactivité entre les personnages (c’est un peu la formule Usual Suspect, de Bryan Singer). C’est suggestif et efficace. Forcément, pour une bonne série d’enquête, il faut des intrigues de qualité. Là dessus, ce premier volume rempli relativement bien son contrat avec une histoire de meurtre dans laquelle il est accusé, puis le braquage d’un bus. À chaque fois, l’auteure propose des motivations et des conséquences lourdes. Nous ne sommes pas face à de petite histoires à prendre à la légère.

Enfin, la bonne tenue du titre repose aussi sur la qualité de son personnage principal. Flegmatique, suffisant et presque arrogant tant il expose la contradiction de ses opposants avec aplomb, Kuno n’est pas un personnage plat. Il suscite à la fois une forme d’admiration et d’exaspération (il sait tout, devine tout, ne panique pas). Mais il est aussi un garçon bienveillant, capable de conseiller ceux qui croisent sa route, à l’image de ce policier dont le couple bât de l’aile ou de cette jeune enquêtrice rabaissée par ses collègues masculins. Malgré tout, on demeure un peu dans le cliché du génie aux petites manières, facile et nonchalant, capable de mettre des mots sur des maux.

En somme, Don’t Call it Mystery est un manga intelligent et raffiné, comme beaucoup de titres passant dans les pages du Flowers (Hatsukoi no Sekai de Keiko NishiAo no Hana, Utsuwa no Mori de Yuki Kodama…). Un titre à soutenir.

Enfin, un mot sur l’édition (nous avons acheté notre tome, il ne s’agit pas d’un SP), Noeve prouve une nouvelle fois qu’en matière de fabrication il ne lésine pas sur les moyens. On apprécie surtout les effets en relief sur la couverture. Ca ne change pas l’expérience de lecture, mais cela témoigne du soin porté à l’objet ! Du tout bon à ce niveau là. En revanche, et cela ne concerne pas uniquement Don’t Call it Mystery, les nouveautés ne semblent pas disponibles sur le site de l’éditeur. Une bonne occasion de propagander au près de vos libraires.

Fiche technique 

  • Titre original : Mystery to Iu Nakare
  • Nombre de tomes : 8 (en cours)
  • Genre : Un titre qui bat des L
  • Prix : 7.95 euros

Intérêt : 🕵️‍♀️🕵️‍♀️🕵️‍♀️

Résumé : “Don’t call it Mystery nous entraîne aux côtés d’un singulier Sherlock Holmes des temps modernes. L’action fait ici place à la réflexion, à l’écoute et à la parole. Totono observe, analyse, déduit et conseille, avec une franchise frôlant parfois l’impertinence. Il pourrait sembler hautain mais n’émet jamais de jugement, quelles que soient ses conclusions. Il est jeune et réservé mais pose une regard éclairé surs ses contemporains. Et l’on élucide à ses côtés autant de petits tracas quotidiens, souvent révélateurs de la société…”


 

    Nos Meilleures Vies

L’une des plus belles sorties de l’année nous vient de Casterman / Sakka avec le one-shot  de Kii Kanna (voir son compte Twitter), une autrice que l’on reverra cette année chez IDP et qui a vu son manga L’étranger de la plage passer par la case adaptation au cinéma.

Nos Meilleures vies peut se présenter comme une réunion de chapitres indépendants, entre tranches de vie et romance, mais il existe bel et bien un fil rouge. L’éditeur n’oublie pas de préciser que l’autrice a l’âge de ses personnages, justifiant plus que jamais sa publication dans le Feel Young  (qui avait accueilli Strawberry Shortcakes de Kiriko Nananan). Voilà pourquoi elle sait capter le doute, l’émoi ou les regrets de ces jeunes embrassant les désillusions amoureuses ou qui passent parfois à côtés de leurs rêves. C’est le cas de la première histoire dans laquelle on suit un garçon saoulé par son travail d’animateur et qui fait tout pour se faire virer. Autre histoire, très rigolote et qui symbolise un coup de foudre guidant notre chemin, celle mettant en scène deux petites filles issues de la campagne (Hokkaido) qui débarquent à Harajuku les étoiles pleins les yeux pour rencontrer des idols.

Au-delà de l’histoire, du genre ou du propos, Nos Meilleures vies est un titre remarquable grâce au dessin de l’autrice. C’est techniquement sublime, avec un acting raffiné – dans la stylisation mais pas que – et des lignes pleines qui rendent le tout vivant. Cela se vérifie aussi au niveau de ses décors puisque l’autrice délaisse la règle et opte pour un line irrégulier très expressif. Nous l’avons déjà évoqué ici mais il est intéressant de noter que Kii Kanna s’occupe du chara design de l’adaptation anime de son (L’) étranger de la plage. Cela veut dire qu’il n’y a personne pour reprendre son trait et l’adapter à l’animation. Son cachet naturel suffit (et on peut noter qu’elle fut créditée comme animatrice sur L’Ere des Cristaux). Certains arts sont du pain béni pour les projets anime, celui de Kii Kanna est à inscrire dans cette catégorie.

Parmi les gimmicks de l’autrice, on note ces actions en deux temps conservant le même cadre/plan. Une habitude qui marque toujours un temps d’arrêt sur le ressenti des personnage  en plus de faire effet sur le plan visuel. Enfin, rien à redire concernant l’édition de Casterman si ce n’est qu’on peut regretter cette adaptation de la jaquette où -tout comme Comet Girl– des éléments sont enlevés. Un détail au regard de la qualité de ce one-shot.

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Fiche technique 

  • Titre original :  Mahou ga Tsukaenakutemo
  • Nombre de tomes : one-shot
  • Genre : trop bien
  • Prix : 12.50 euros

Intérêt : ♥ ♥ ♥ ♥ ♥

Résumé : “Ils sont six, à l’aube de la vingtaine, à Tokyo, aujourd’hui. Gentiment paumés comme on peut l’être une fois passé du côté des adultes, ils se croisent, se télescopent, s’aiment, ne se comprennent pas. Ils font un bout de chemin ensemble, en se débattant avec les questions de leur âge : ai-je le droit d’avoir des rêves, et surtout, méritent-ils que je me batte pour eux ? (Mais aussi : les rêves paient-ils le loyer ?) Kanna Kii, qui a l’âge de ses personnages, saisit l’air de son temps avec une acuité et une sincérité désarmante, pour en faire la matière de récits qui subliment l’ordinaire.”


À venir : 

  • La vie devant toi
  • Kowloon
  • Shigurui
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Cami-Sama