Le manga pour enfants

Nos chères têtes blondes

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Oui, il existe bien un genre manga pour enfants. Toutefois, ce genre se confond assez facilement avec les titres destinés à un public de collégiens. Preuve supplémentaire de la difficulté à définir ce genre, il divise au sein même des spécialistes de la question : Gregoire HELLOT de Kurokawa, Pierre VALLS de Pika et MEKO, d’AnimeLand et du Studio Tanuki ne considèrent pas le manga pour enfant de la même manière, et ne mettent pas les mêmes titres sous cette catégorie.

Nous allons donc tâcher de définir quelques grands axes qui poseront les choses et amorceront, dans un futur proche, un débat sur le sujet. Avec le temps, nous espérons pouvoir mieux comprendre ce genre encore mal connu en France.

Pour commencer, il faut bien avoir à l’esprit que les jeunes Japonais, jusqu’à l’âge de six ans environ, ne lisent pas de manga. Comprendre le fonctionnement d’une bande dessinée, sa construction, et la façon de la lire implique nécessairement une certaine maturité psychologique. On retrouve donc, pour les enfants de quelques mois à six ans un grand nombre de livres illustrés. Ces ouvrages, très proches de ce que l’on connaît en France, se présentent comme des albums cartonnés solides (pour éviter de se voir abîmés par l’enfant) et gorgés d’illustrations de très jolie facture (dans un style à l’européenne pour les albums feuilletés à la librairie japonaise Junku. Toutefois, nous avons aussi trouvés quelques albums, dont les illustrations épousaient un style plus proche de l’animation). Le texte est rare, et écrit suffisamment gros pour faciliter la lecture.

Petit homme deviendra grand

Que se passe-t-il lorsque l’enfant atteint environ 6 ans ? Là, tout se complique pourrait-on dire… Il existe tout d’abord une presse écrite s’adressant à lui : on trouve des revues parlant de jeux vidéo, de séries télés et de jouets. Ces revues sont assez épaisses et vendues avec des goodies, comme des petits jouets en carton à monter.

Ensuite, il y a aussi du manga. Certains éditeurs proposent effectivement des titres pour enfants comme la Kôdansha avec la collection Bonbon comics, la Shogakukan et ses Tensho Mushi et la Shogakukan avec Korokoro comics. La Shogakukan se concentre sur des adaptations BD de titres diffusés à la télévision comme Beyblade ou de jeux vidéo comme Mario Bros. Selon Grégoire HELLOT, « il s’agit d’un manga à l’humour pipi/caca insupportable, proposant des solutions de jeux sous forme de BD. » Le directeur éditorial de Kurokawa renchérit en précisant que « bon nombre de manga pour enfants se caractérisent pas un graphisme médiocre et un humour lamentable, comme des titres mettant en scène Ultraman jouant avec ses crottes de nez (sic). Je peux aussi vous citer Spider-kun, adaptation pour enfants de Spider-Man avec des gags sur sa toile. De toute façon, ces BD se caractérisent par des graphismes ultra simplistes pour que les enfants puissent les redessiner. » Malheureusement, nous n’avons pas pu mettre la main sur ces titres, sans doute trop spécifiquement japonais. Par contre, le rayon enfants de la librairie Junku nous a permis de voir que Doraemon et les titres de TEZUKA Osamu (Astroboy) jouissent encore d’une bonne popularité…

En fait, nous nous sommes aperçus qu’un certain nombre de manga lus par des enfants l’étaient aussi par des collégiens, voire des lycéens. Ainsi, Pika, par l’intermédiaire de Pierre VALLS édite Cyborg Kuro-chan, King of bandit Jing ou encore Card Captor Sakura, tous lus par un jeune public : « En effet, explique Pierre VALLS, si ces titres sont lus en France par des adolescents, il ne faut pas oublier qu’à l’origine, ils sont pensés pour un jeune public. C’est le cas de Card Captor Sakura, édité dans le Nakayoshi (où a été édité Sailormoon, NDLR), un magazine s’adressant pourtant à un public de filles entre 6 et 14 ans… » Idem pour les titres du Shônen Jump : si le public principal est celui des collégiens, des titres comme One Piece peuvent facilement toucher un jeune public !

Le syndrome du D.A.

Un deuxième élément complique notre petite présentation : le cas de titres destinés à un public adolescent, mais dont le dessin animé a touché les enfants. Deux grands succès viennent à l’esprit : Crayon Shin-chan (sorti récemment en France chez J’ai Lu) et Keroro (Voir l’AnimeLand 106 et Le Virus Manga 5). À l’origine, Shin-chan vient du magazine Action dans lequel on retrouve par exemple Coq de combat ! Le magazine s’adresse donc à un public adulte, entre 20 et 30 ans. Pourtant, lorsque l’anime a été diffusé à la télévision, les enfants ont fait un triomphe aux aventures de l’exhibitionniste petit garçon frondeur. Du coup, la cible s’est rajeunie. Idem pour Keroro : ce titre a été édité dans le Shônen Ace, magazine s’adressant aux fans d’animation. Le manga de Keroro vise donc une cible de lycéens et même d’otaku, puisqu’on retrouve un grand nombre de références à des dessins animés comme Evangelion ou Gundam. Pourtant, l’anime a touché un public plus jeune. Certes, ce dernier ne comprend peut-être pas toutes les allusions, mais la présence délirante des grenouilles envahisseurs leur a plus. Du coup, du merchandising les visant a été créé avec, par exemple, des autocollants ou des peluches.

En conclusion

Finalement, on a l’impression, après ce petit tour d’horizon que le manga pour enfant n’existe pas réellement. Car, à part l’adaptation de jeux vidéo et de dessins animés du type Pokemon, le public juvénile semble finalement déjà se tourner vers les références populaires que sont le Nakayoshi ou le Shônen Jump. Pourtant, selon Pierre VALLS et Grégoire HELLOT, ce genre existe bien : « Oui, il y a bien un genre pour enfant, nous expliquait Pierre VALLS, mais les titres ne sont pas forcément très connus en France…»

Et qu’en est-il du jeune public français ? Pour l’instant, Pika occupe principalement le créneau. Et l’éditeur compte d’ailleurs continuer sur sa lancée : le mois d’août verra la sortie de Manga Science, sorte de BD du type Il était une fois la vie… Pierre VALLS nous précise aussi être en pleine réflexion pour lancer des titres destinés à ce public. Une volonté partagée par Dominique VERET d’Akata. Toutefois, ce dernier, pragmatique, pointe la difficulté de toucher les très jeunes : « Comment faire pour vendre du manga à des enfants ? Ils ne vont pas forcément dans les FNAC ou Virgin… Il faut donc trouver un moyen de s’adresser à eux ! » Pour Pierre VALLS, il n’y a pas réellement de problème : « Nous pensons que les grands frères et grandes soeurs constituent le meilleur moyen pour un jeune public de s’initier aux manga. Ils empruntent les BD de leurs aînés et se feront leurs premiers avis. De plus, le manga a aujourd’hui bonne presse, les parents seront donc plus volontaires pour acheter des BD pour leurs enfants. Cela prendra juste un peu de temps… » Quant à Grégoire HELLOT, il désire lui aussi se positionner : « Oui, Fleuve Noir éditera des titres pour enfants, mais pas des manga médiocres comme les adaptations de Mario. Nous allons sélectionner des titres de qualité et les proposer aux jeune français. » Les enfants semblent être le nouveau public à toucher en France. Nul doute que nos éditeurs vont se livrer à une jolie guerre de tranchée pour séduire cette cible commercialement attractive.

Remerciements à MEKO, Sylvie CHIANG, Grégoire HELLOT, Den SIGAL, Pierre VALLS, et Dominique VERET

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