Sentaï School

Les joyeux p'tits diables

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Toute saga a un commencement….

Sentaï School est l’oeuvre de Florence TORTA, scénariste, et de Philippe CARDONA, co-scénariste et dessinateur. La série a commencé sa carrière sous le nom de L’école des héros en 1998 dans les pages du fanzine Dream On, en compagnie de Space Pirate CHANTILLY et de D.Knights. En 2002, le magazine Coyote accueille une toute nouvelle version de l’histoire, réécrite pour l’occasion, prépubliée à partir de son numéro 3. Sentaï School se fait alors remarquer des lecteurs, et le voilà aujourd’hui publié dans la collection Manga de l’éditeur Sémic ; collection où l’on trouve des oeuvres telles que le Batman d’ASAMIYA Kia, ou encore des art-books d’illustrations de jeunes mangaka ! A ce titre, on notera que Sentaï School a été publié dans un format manga, selon le souhait de l’éditeur. Une initiative intéressante, dans la mesure où elle incitera les amateurs de BD nippones à lui donner sa chance.

Être un héros n’est plus une sinécure !

La Sentaï School est une école de justiciers dont le nom, sentaï, désigne en Japonais les séries télés live mettant en scène des héros du type Bioman ou X-Or (les connaisseurs noteront d’ailleurs que la statue du fondateur de l’école ressemble fort au sheriff de l’espace !). Ce haut lieu culturel accueille nos cinq héros (1). On trouve Ken, un robot abandonné par son créateur ; Toa, le gros mangeur ; Keiji, le fan de tout ce qui est mignon ; Duke, le joueur de guitare ; ainsi qu’Hongo, pastiche des héros nekketsu (2). Les cinq protagonistes ont des personnalités bien typées et forment un groupe soudé, ne mesurant pas toujours les conséquences de ses actes. Les cours sont assurés par d’illustres professeurs tels que Albator pour la « ténébritude » (sic), Lady Oscar pour les costumes, ou encore Judoboy pour les arts-martiaux.
En face de la Sentaï School, est apparue la Villains School, dirigée par le Grand Stratéquerre (toute ressemblance avec un méchant de Goldorak n’étant absolument pas fortuite), qui a pour but de former l’élite du Mal. Malheureusement, les élèves de l’école ne font pas encore preuve de trop de « vilenie » et ont bien du mal à prendre la mauvaise pente (leurs professeurs sont là pour les remettre dans le mauvais chemin).
C’est dans ce cadre propice aux délires les plus fous que nos héros vont se rencontrer, avant de tenter de démasquer un mystérieux voleur, puis de faire un stage dans la Villain School, ou encore de livrer un match de foot contre une équipe menée par Olivier Atome (sic) lui-même…

Le jeu des références

Sentaï School est une bande dessinée parodique, tournant en dérision les anime et les manga les plus connus en France. Les références sont parfois évidentes – le jardinier de l’école est le sosie parfait de Kenshiro (Ken le survivant) – mais parfois aussi plus obscures : Cutey Honey de NAGAÏ Go, ou Ryoga de Ranma ½, personnages croisés au détour d’une case. De fait, les situations humoristiques seront surtout appréciées des connaisseurs.
Une lecture attentive révèle un grand nombre de séries pastichées : d’anciens anime comme Goldorak, mais aussi des oeuvres récentes telles que Yu-Gi-Oh ! On imagine qu’un jeune lecteur pourrait avoir du mal à savourer les références à Maison Ikkoku ou Goldorak !
Ainsi, il semble bien que la série ait été pensée pour des lecteurs d’un certain âge, à la culture manga solide. Après tout, la prépublication de Sentaï School n’a-t-elle pas eu lieu dans un magazine spécialisé, destiné un public de passionnés et de connaisseurs ? Les auteurs maîtrisent visiblement leur sujet : il n’y a qu’à voir Rémi sans famille et Princesse Sarah se serrer les coudes alors qu’ils n’ont rien à manger !
N’importe quelle scène d’une série peut donc être mise en scène et tournée en dérision. Notre équipe de héros n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle des Joyeux loufoques du Collège Fou ! Fou ! Fou ! (Kimengumi), à la différence que nos apprentis ne se rendent pas compte que leur comportement s’avère parfois irresponsable et/ou ridicule.
Outre son scénario savoureux et ses dialogues percutants, Sentaï School se distingue aussi par une maîtrise graphique impressionnante. Philippe CARDONA livre un dessin qui caricature à merveille les héros de notre enfance. On retrouve aussi plusieurs codes graphiques typiques du manga, comme la goutte de sueur sur la tempe pour marquer la gêne, les lignes de vitesses pour donner l’impression de mouvement, les effets de poses pour marquer la surprise, etc.

Sous les manga, la pop culture

Malgré tout, il ne faudrait pas réduire Sentaï School à un simple pastiche. Ainsi retrouve-t-on dans cette oeuvre, une mise en page et un trait qui ne sont pas sans évoquer le style franco-belge. Le dessin de Philippe CARDONA rappelle, par sa rondeur et sa bonhomie, une BD comme Boule et Bill de ROBA. De même, la franco-belge a toujours apprécié la caricature (acteurs, musiciens…), souvent sous forme de clins d’oeil cachés au détour d’une case, et nécessitant chez son lecteur un oeil averti. Un procédé maintes fois utilisé dans Astérix, et dont Sentaï School est friand. Enfin, le titre met en scène, à l’instar de Titeuf ou du Petit Spirou, des enfants qui regardent le monde avec leur vision décalée pleine de naïveté. Une décalage provoquant de multiples quiproquos et accidents, tous plus absurdes les uns que les autres.
Toutefois, la franco-belge propose en règle générale à travers ses récits humoristiques, une certaine forme de morale ou de philosophie (critique du capitalisme dans Obélix et Cie ; cours de sexualité dans Titeuf…) absente dans Sentaï School. En fait, l’humour dont font preuve les auteurs rappelle celui des Nuls ou des Inconnus. En effet, ces deux groupes d’humoristes tournaient en dérision la culture populaire du moment (série télé, publicité, cinéma et musique) dans leur émissions télé, destinées à un public partageant les mêmes références. Sentaï School s’adresse à des lecteurs qui ont en commun une enfance bercée par les comics, les manga et les séries télé.
Sentaï School vise donc un public dont l’âge s’échelonne entre 15 et 30 ans, et lui propose un jeu de références parodiques liées à leurs centres d’intérêt. Le lecteur ne possédant pas ces références risque donc de passer au-dessus de nombre de gags. Malgré tout, la BD reste suffisamment délirante pour fédérer un large public, de 7 à 77 ans. Et c’est bien là toute sa force : toucher le coeur de cible des lecteurs et amateurs de manga et d’anime, sans exclure pour autant les lecteurs d’autres horizons.

A la croisée des chemins

En traçant un pont entre tradition franco-belge et le renouveau incarné par le manga, Sentaï School s’affirme comme une hybride BD particulièrement jouissive. Certes, il faudra du temps avant que le grand public n’adopte la série, mais après tout, Rome ne s’est pas faite en un jour ! Signe avant coureur ? Sémic, satisfait des ventes, annonce déjà la sortie d’un second tome. Mais les locaux de la Sentaï School tiendront-t-ils jusque là ?

Le site officiel de Sentaï School : http://perso.wanadoo.fr/sentaiprod/

A venir : l’interview des auteurs !

Remerciements à Thierry MORNET de Sémic

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