“Why this one ? Why did I chose… this face ? It's like I am trying to tell myself something. Like I'm trying to make a point !”
Je ne vais pas parler de l'intrigue de l'épisode en lui-même (qui est pourtant très intéressante, à base de T-Rex en plein coeur de Londres, de combustion spontanée et de robots adeptes du dépeçage d'organes sur specimen vivants), mais plutôt de la portée symbolique de ce retour à l'écran du Docteur, parce que tout l'épisode est une métaphore à peine voilée (n'est-ce pas, Madame Vastra ! 😃 ) sur ce retour a priori improbable du Docteur, sur le Docteur en lui-même, et les conséquences à venir.
Un Docteur perdu, effrayé, un Docteur qui ne se souvient plus de ses anciennes aventures, si ce n'est par bribes, donc. Un Docteur plus dur, aussi.
On savait déjà, après avoir vu l'épisode The day of the doctor, que cette régénération ne serait pas similaire aux précédentes, ne serait-ce que parce que le nombre maximum de régénérations avait été atteint avec l'arrivée du Onzième (qui était en fait le Treizième). Mais cet épisode ne fait pas que le confirmer, il enfonce le clou ! Tout est ici prétexte à parler de ce nouveau Docteur. Comme ce restaurant qui n'est en fait qu'un camouflage dont la véritable apparence est celle d'un vaisseau qui voyage dans le temps; Comme ce robot cherchant à dissimuler sa véritable nature en se faisant passer pour un humain auprès des hommes. Excellente image du Docteur d'ailleurs, qui le compare, et se compare ainsi par là même, à un balai . “Si on change le manche, et plus tard si on change la brosse, est-ce toujours le même balai ?“
Une autre bonne trouvaille, soulignant plus encore l'idée d'un Docteur différent, c'est la réaction de Clara pendant une bonne partie de l'épisode. Elle qui a connu les différentes incarnations du Docteur ne semble pas reconnaître son Docteur dans cette nouvelle enveloppe, ce qui appuie encore plus le sentiment de déstabilisation du spectateur.
Ce Docteur-là -est-ce à cause de sa perte de mémoire partielle ?- n'est pas aussi enclin au cabotinage, au paraître (comme Vastra le souligne bien avec la scène du voile), ou même aux monologues dont ses plus récents prédécesseurs nous avaient habitués. Il parle peu, il va souvent droit au but, il est sec, et encore une fois, dur.
A quelques reprises, il est même inquiétant ! Que ce soit avec le vieil sdf, lorsqu'il lui demande son manteau, avec Clara, au restaurant où il semble prêt à l'abandonner à son triste sort… et franchement j'y ai cru ! Et bien sûr, surtout, lors de son tête à tête avec l'automate vivant !
D'ailleurs, le titre de l'épisode, Deep Breath (respiration profonde), fait autant référence à la terrible scène avec Clara qu'à l'état dans lequel Moffat laisse son auditoire pendant les 75 minutes de ce premier épisode, témoin de cette nouvelle incarnation !
En fait, le ton est véritablement opposé à celui du premier épisode de la saison cinq (le sublime The Eleventh Hour), qui marque le départ de l'ère Moffat sur Doctor Who et dont il semble être un véritable reflet déformant.
Alors que dans The Eleventh Hour le rythme est trépidant et soutenu, reposant sur les superbes interprétations de Matt Smith, Karen Gillan et, bien qu'il soit plus en retrait, Arthur Darvill; sur les dialogues incisifs et à la musicalité certaine (regardez juste la scène du dialogue entre le Docteur et Amy adulte, quand ils sortent de l'ancienne maison d'Amy – “Twelve years and four psychiatrists!” – c'est simplement parfait, et c'est certainement ce qui a posé les jalons de la relation entre les deux personnages !), de son côté, Deep Breath est nettement plus posé, avec des dialogues courts, ou peu animés (même si certains d'entre eux sont tout à fait savoureux, comme le dialogue dans le restaurant entre Clara et le Docteur, ou quelques répliques du couple Vastra / Jenny).
Alors que The Eleventh Hour se basait entièrement sur la “construction” de la nouvelle personnalité du Docteur autant que sur la construction de son nouveau look, avec un finish en apothéose dans lequel le Onzième se révélait à tous les niveaux au monde entier (observé par un oeil géant, métaphore subtile ! 😂 ), Deep Breath “détruit” quasiment le Docteur ! Presque plus de mémoire, un caractère sombre et dur, des habits délabrés, ramassés dans les rues, et un final où le Docteur n'est plus qu'une personne lambda, perdue au milieu de la foule, suppliant Clara de lui venir en aide, et affichant timidement sa nouvelle garde-robe, à l'abri des regards du monde !
Le contraste est saisissant, à tel point qu'on cherche même à rassurer le spectateur, avec la scène du portable de Clara (une scène plus que réjouissante, soit dit en passant !). Oui, c'est bel et bien le Docteur ! Non seulement l'essence est là, mais le passage de relais a été effectué !
Cet effet de miroir déformant entre ces deux périodes donne un excellent résultat, et prouve non seulement qu'intrinsèquement, c'est bien au Docteur que nous avons affaire, mais aussi que Moffat garde toujours la maîtrise de son sujet. Et il ne s'arrête pas là, le bougre !
Les mystères de la saison sont déjà posés, en tout cas une partie d'entre eux !
Et l'un des plus importants, et qui devrait faire chauffer les DVD de la saison 4, c'est le visage du Douzième (officiellement je pense qu'on va l'appeler le Douzième, et pas le Quatorzième ! Ou alors le premier version 2.0 ! 😂 ) ! Il semble en effet y avoir un lien avec l'épisode de la saison 4, The Fires of Pompeii, dans lequel Peter Capaldi apparaît (pour l'anecdote, c'est aussi le cas de Karen Gillan). Et ainsi on retourne sur l'étude du nouveau Docteur.
Il y aurait une raison derrière le choix de ce visage. Mais qui a fait ce choix déjà ? Le Docteur ? Il ne semble pas pouvoir contrôler ce genre de chose. Moffat, alors ? Après tout, c'est lui qui a choisi Capaldi pour interpréter le nouveau Docteur. C'est donc le seul à pouvoir décider quel visage aura le Docteur.
Dans l'épisode The Fires of Pompeii, le Docteur refuse de sauver les habitants de Pompéi, arguant que c'est un fait historique important, un point fixe du temps, et qu'il ne doit pas interférer. Cependant, on apprendra que c'est en fait le Docteur qui a déclenché l'éruption volcanique pour protéger le monde d'une terrible menace. Il a donc sacrifié la vie de toute une ville antique pour sauver toute la planète, et c'est uniquement grâce à l'insistance de Donna Noble qu'il a accepté de sauver la famille de Caecilius (personnage interprété par Capaldi), faisant d'eux les seuls survivants de la catastrophe.
Est-ce donc un message de Moffat ? S'agit-il de nous expliquer que ce nouveau Docteur est du genre à sacrifier des vies pour un plus grand bien ?
En définitive, cet épisode remplit parfaitement son office d'introduction, en plus de proposer une mise en abyme impressionnante, ponctuée de plusieurs références aux aventures précédentes absolument succulentes !
Le Docteur nous est donc présenté dans tous ses aspects, les plus légers comme les moins reluisants, un véritable inventaire ! Dans cette même optique, le nouveau générique est particulièrement bien fichu, résonnant avec le changement de Docteur, surtout son changement de caractère drastique, par son thème déphasé, désaccordé, dissonant !
Les passages plus légers, et aussi l'action, dans cet épisode, sont amenés par le trio Madame Vastra / Jenny / Strax (surtout Strax d'ailleurs, avec ses velléités guerrières qui ressortent très souvent aux moments les plus inappropriés), même si le Docteur parvient aussi à nous dérider de temps à autre !
L'épisode est posé, il prend son temps, mais chaque scène a son importance, que ce soit pour le Docteur ou pour les intrigues à suivre ! Un début parfait, en tout point !
"With the first link, the chain is forged. The first speech censured, the first thought forbidden, the first freedom denied, chains us all irrevocably." -Jean-Luc Picard
Star Trek - The Next Generation / The Drumhead