J'adore les shônen, pour un tas de raisons.
L'une d'entre elle est l'éloge de l'amitié.
– Quand Gokû pète les plombs lorsque Krilin se fait tuer par un démon de Piccolo, qu'il fonce vers l'assassin alors qu'il sort d'un Tenkaichi Budôkai éreintant, on ressent toute la peine et la colère du garçon.
– Quand Seiya apprend de la bouche d'Ikki qu'ils sont tous (les chevaliers de bronze) frères, parce que tous fils de Mitsumasa Kido, on comprend ce qui les pousse toujours à se relever, eux qui sont orphelins, eux qui n'ont jamais connu la chaleur d'une famille. On comprend ce qui les pousse à se transcender, à hurler. Ils n'ont pas besoin de le dire, on le ressent dans leur être. Leur vie ne tient qu'à un fil, le seul moteur de leur cosmo-énergie, leur fraternité.
– Quand Luffy pose son chapeau de paille sur la tête de Nami, après que celle-ci a compris qu'elle a été bernée depuis le début par Arlong. Alors qu'il n'a pas entendu un mot de son histoire, c'est en toute ignorance qu'il décide de l'aider. Sans dire un mot, sans vouloir savoir quelle est la raison de sa tristesse, il part corriger le mastodonte qui a eu le malheur de faire pleurer son amie. Pas de grande phrase, pas d'effusion, et pourtant on ressent la colère de Luffy.
A mes yeux, l'émotion se situe dans la rareté ou la modération, pas dans la répétition.
Par exemple, j'ai eu la larmichette à l'oeil en voyant L'Arme Fatale 4 pour la première fois, lors de la scène finale sur (sous?) le pont, après le combat contre Jet Lee. Cette scène où Riggs (Mel Gibson) dit à Murtaugh (Danny Glover) qu'il est son meilleur ami, le seul ami qu'il ait jamais eu. ça peut paraître banal, dit comme ça, mais jamais, dans les trois premiers volets, à moins que je ne me trompe, ces deux-là n'ont parlé aussi ouvertement de ce lien qui les unissait. L'intensité de la scène, le danger présent, ont permis ce soudain déballage de sentiments, cette déclaration d'amour! C'est ce qui rend cette scène si efficace.
Exprimer quelque chose qui n'a jamais été dit, parce que c'est tellement évident que ça semble inutile, l'exprimer au moment juste, dans un film, demande beaucoup de doigté. Dans le cas de L'Arme Fatale, c'est une réussite parce qu'il y a tout ce passif (trois épisodes), parce qu'on connaît bien ces personnages, et qu'on sait que ce ne sont pas des mots en l'air. L'émotion dans la rareté donc!
J'en arrive au sujet de ce post (vous savez ce que c'est, on parle, on parle…). Mon “What a pity!” se nomme Fairy Tail.
Je n'ai jamais pensé que Fairy Tail serait le prochain One Piece, ou Hunter X Hunter, ou Dragon Ball, ou Saint Seiya. Mais quand même, je me disais qu'il y avait du potentiel dans cette série, qui jouait au départ avec quelques codes des RPG. Vingt-trois volumes plus tard, le résultat est très éloigné de mes espérances (lien inutile, si ce n'est pour me faire plaisir! Histoire de…^^). Je n'y crois plus même.
S'inspirer de One Piece, pourquoi pas? Encore faut-il en saisir les véritables qualités, et ne pas s'en tenir à la surface, aux apparences.
Je me fiche bien que le graphisme soit proche de l'oeuvre d'Oda, je ne juge pas sur ce critère, et ça ne me gêne pas plus que ça (sauf quand j'entends ou lis que Hiro Mashima était un assistant de Oda, ce qui est faux). Le problème, c'est l'imitation des caractères francs du collier des perso de One Piece, le fait qu'ils expriment leur pensée, quelle qu'elle soit, sans crainte du ridicule ou des “qu'en dira-t-on”.
Dans OP, les éclats de colère de Luffy sont toujours impressionnants pour le lecteur, ce dernier vibre parce qu'il y a une vraie légitimité derrière, une vraie raison. On ressent la forte empathie du personnage. Ce qui lui donne tellement de charisme, c'est sa compassion, parce qu'il s'énerve lorsqu'on touche à ses amis, que, d'une manière ou d'une autre, on a blessés, fait souffrir, pas physiquement, mais moralement, intérieurement, par le harcèlement, le chantage, la manipulation, la torture (ici plus morale que physique)…
Pour Luffy, rien n'est plus important que l'amitié. Cependant, il ne va pas pour autant le crier sous les toits à chaque chapitre, dans un gros plan, avec de gros caractères.
Dans Fairy Tail, Hiro Mashima use, abuse, de cet effet de style, à tel point que ça en devient vite écoeurant. Pire, à force, il se parodie sans s'en rendre compte, tant certaines déclarations faites à coup de hurlements en splash page ou en gros plan (veine gonflée sur la tempe à l'appui) sont absolument ridicules.
Un exemple, dans le volume 23 (savoir le contexte est inutile):
Natsu: “Je vais arrêter ce truc! Si mon corps n'y arrive pas, c'est mon esprit qui le fera!“
(Ce “truc” en question, c'est une île volante qui chute!) Même dans Saint Seiya, ils n'ont pas osé aller jusque-là!
Ensuite, le maître-mot de Fairy Tail, c'est “Amitié”! Là encore, l'utilisation abusive de ce mot (ou d'un autre du même champ lexical) donne la nausée. Je déconne à peine quand je dis qu'on doit le lire trois-quatre fois par chapitre!
Comme je le disais plus tôt, l'émotion n'est pas dans la répétition.
Où trouvez-vous, dans la réalité, des gens qui passeront leur temps à clamer que “l'amitié, y a que ça d'vrai!” ou d'autres trucs du genre? Et admettons que ça existe, vous les trouveriez crédibles, les gars? Vous auriez envie d'être leur ami(e)? Vous ne les trouveriez pas louches? Ce genre de chose ne se dit pas comme ça! A la limite, en chanson ça passe!
Ben dans Fairy Tail, c'est la fête de l'amitié tous les jours!
On se bat au nom de l'amitié, on va mourir pour l'amitié, on s'inscrit à une guilde pour l'amitié, etc…là-bas, S.O.S détresse amitié serait au chômage.
Tiens, une autre “jolie” citation du volume 23, histoire d'illustrer ces propos:
La guilde de Fairy Tail: “On ne va pas passer notre temps à fuir! On va vous montrer ce que c'est que l'amitié!“
…A coups de tatanes dans la tronche? 😂 Je doute qu'ils comprennent vraiment ce qu'est l'amitié de cette façon… 😛
Alors, les gros plans gueulards, c'est fait…”l'amitié”, c'est fait…qu'est-ce qui reste, niveau déception…oui…la non-évolution de l'histoire!
Vingt-trois volumes…des perso toujours aussi statiques, pour la plupart (hormis Erza et Gajil). Des story-arcs qui n'ont aucun intérêt, dans le sens où ils n'impliquent jamais véritablement nos héros (hormis quelques exceptions tout de même, comme avec Grey ou Erza…). Le mystère des dragons, tous disparus le même jour de la même année? ça avance…pas.
Et même lorsque nos héros sont impliqués personnellement, il y a tellement peu de force dans leur histoire qu'on s'en moque un peu…pas toujours cela dit, comme avec Erza…
Mais le problème à ce niveau vient certainement de l'improvisation de Mashima en cours de route. J'y reviendrai.
Fairy Tail, c'est grosso modo une succession de missions, avec à chaque fois l'apparition d'un nouveau perso récurrent, alors qu'à la base, il y avait matière à s'attarder sur le déjà grand nombre de membres de la guilde. Je m'attendais à voir à chaque nouvelle histoire une équipe différente. Au lieu de ça, c'est systématiquement Natsu / Lucy / Grey / Erza, avec de temps en temps un guest ou deux…
Et pourtant, malgré leur omniprésence, aucune évolution psychologique.
L'histoire repose tout le temps sur les mêmes rails, sur la même mécanique. Lors de leur défaite, les méchants finissent souvent par changer d'avis dans les larmes et la plus grande incohérence (un festival, dans ce volume 23!).
Pour résumer, quand tu es un méchant dans FT, deux options:
– Soit tu restes un méchant, et dans ce cas, c'est la preuve que tu es fou à lier, et que tu as pété les plombs.
– Soit le gentil te sort une phrase choc en gueulant bien fort pour te prouver que son point de vue est le plus juste, et en tant que méchant, au fond de toi, tu te rends compte qu'il a raison et que, finalement, tu as toujours pensé la même chose, au fond, et que tu as vécu toute ta vie dans le déni et l'erreur, donc, au bout du compte, tu chiales! CQFD!
Ici, pas de place pour un Crocodile ou Barbe Noire!
Bref, What a pity! 😢
Pour finir, Mashima avoue lui-même qu'il n'écrit pas l'histoire à l'avance, qu'il se laisse aller à l'improvisation, sans savoir où il va (le contraire de ce qu'il a fait dans Rave, un titre bien plus réussi d'ailleurs!). Ce n'est pas répréhensible en soit, quand c'est bien fait…
Toriyama faisait de même, à l'époque de Dragon Ball, mais avec mille fois plus de réussite et de cohérence. Mashima n'a hélas pas ce talent…
Donc, chuis déçu, déçu…
"With the first link, the chain is forged. The first speech censured, the first thought forbidden, the first freedom denied, chains us all irrevocably." -Jean-Luc Picard
Star Trek - The Next Generation / The Drumhead