Tome 1
Carmine Infantino – Robert Kanigher – John Broome
Barry Allen, un policier scientifique ordinaire, est touché par un éclair et se retrouve éclaboussé en même temps par les produits chimiques dans son labo. C’est en s’inspirant du héros de comics de son enfance, Jay Garrick, qu’il trouve son alias, Flash.
Avec Flash la Légende, on va vous parler d’un temps que les moins de quatre fois vingt ans ne peuvent pas connaître, où pas loin en tout cas, sauf si ce sont des personnes de goût, des personnes qui savent reconnaître la qualité au-delà de l’âge affiché. C’était une époque où les titres des épisodes se ponctuaient d’exclamation goguenarde et vous accrochaient en racontant déjà une histoire, une époque où la première page vous promettait une situation ubuesque dans laquelle votre héros était condamné à l’exploit !
Le nouveau Flash, fan des aventures du Flash originel Jay Garrick, n’est pas uniquement précurseur d’un nouvel âge des comics de super-héros, il est aussi en avance sur son temps par bien des aspects, dont certains ne seront dévoilés que dans le deuxième tome de ce titre, comme la mise en place du multivers de DC Comics. Mais il y a déjà présentement matière à satisfaire son appétit, alors attardons-nous sur ce que nous offre ce premier tome !
Si le titre a débuté en 1956, il fallut attendre 1959 pour que ce nouveau Flash ait une série régulière, reprenant la numérotation du Flash du Golden Age (Jay Garrick, de 1941 à 1951), à partir du numéro 105.
Barry Allen, le Flash moderne (l’après Jay Garrick, donc) dans ses premières années, ne se distingue pas par l’originalité de ses histoires, ses dialogues ou la caractérisation de ses personnages. En effet, on retrouve ici ce qui se faisait couramment à l’époque des débuts de l’âge d’argent, à savoir beaucoup de science-fiction (extra-terrestres, dimensions parallèles, la Terre creuse, les savants fous, les singes parlants et autres concepts du même acabit), des voleurs et des catastrophes plus ou moins naturelles. Certaines explications “scientifiques” étaient gentiment loufoques, tout comme les déductions tirées par les cheveux de notre héros pour atteindre un but ou trouver un vilain et qui sentaient bon la facilité.
Quelques exemples :
– Barry fabrique une montre lui permettant de recevoir tous les appels radio des polices du monde entier ! On pourrait penser que faire une vraie radio serait plus simple, mais bon, on est déjà tellement surpris de voir qu’il reçoit tous les signaux de toutes les polices du monde, et tous en anglais qui plus est, qu’on fait vite l’impasse sur ce détail ! 😆
– On apprend également que les pouvoirs de Barry lui permettent de résister aux énormes pressions sous-marines !!
– Des soucoupes volantes débarquent à Central City, et par un raisonnement des plus… étonnants, Barry comprend qu’elles viennent d’une autre dimension. Il décide d’atteindre cette quatrième dimension en passant le mur du son, le mur de la chaleur (atteint à Mach3) et enfin le “mur du temps” (en gros la vitesse de la lumière) ! Il arrive alors dans un monde où des lilliputiens deviennent des géants en l’espace d’une poignée de secondes et dont l’ambition est de conquérir la troisième dimension.
– Docteur Alchimie, anciennement Monsieur Element, s’est évadé de prison et change d’alias pour se venger de Flash. Pour cela, quelle chance, il se trouve que Ben Sniper, son voisin de chambrée, lui a parlé d’une pierre qui lui a toujours porté bonheur. Il en a donc logiquement déduit qu’il s’agissait de la Pierre Philosophale. Et c’est le cas, le gars Alchimie s’en sert alors comme d’une télécommande pour changer toute matière en une autre matière, genre le plomb en or.
Autre habitude, Barry Allen bat ses adversaires en tant que Flash mais se fait périodiquement ridiculiser par cet alter ego aux yeux de sa fiancée bien aimée, Iris West, qui ne cesse de le comparer à l’éclair écarlate, surtout lorsqu’il arrive en retard à leurs rendez-vous (trop occupé à aider son prochain). A noter que si Iris n’est pas très aimable envers Barry, la situation s’améliore par la suite et elle devient moins… obnubilée par Flash.
Si cela fait également le charme de ces histoires, il faut bien reconnaître qu’une lecture continue et assidue ne joue pas en faveur de ce mode de récit. Mais, fort heureusement, il y a deux facteurs qu’il faut prendre en ligne de compte et qui changent grandement la donne.
D’abord, passés le héros et sa snobinarde récurrente et agaçante d’Iris, les personnages secondaires sont déjà bien plus captivants, à commencer par la galerie de vilains qui composent déjà cette première fournée du Flash moderne.
Beaucoup de vilains hauts en couleur (une bonne particularité de l’époque), souvent anonymes (littéralement), mais qui préfiguraient déjà les Lascars, lesquels font d’ailleurs très tôt leur entrée dans la série, tel Captain Cold dès le quatrième épisode, Monsieur Élément (puis plus tard Docteur Alchimie), le Maître des Miroirs, Gorilla Grodd (et la cité des gorilles), le Fifre, le Météo-Mage ou encore le Charlatan.
Et puis arrivent plus tard les alliés du héros, en la personne de Wally West et Ralph Dibny, alias Kid Flash et Extensiman. Kid Flash a même très vite droit à ses propres histoires en complément des aventures principales.
Ralph Dibny découvre le secret des contorsionnistes, le Gingold, une boisson dont l’un des ingrédients principaux est un fruit tropical, le Gingo. En buvant une formule de sa composition, il acquiert des pouvoirs élastiques sur son corps et devient Extensiman. Flash le prend au départ pour un vilain, mais finit par réaliser son erreur.
Le second facteur important, comme les images composant cette revue peuvent l’attester, c’est la modernité du trait, du dessin, des histoires, de la mise en page (les cases sont plus grandes, l’espace est bien géré, on laisse respirer le personnage dans son espace). Rappelez-vous, nous sommes alors au milieu des années 50 ! Ce qu’il y a de vraiment remarquable dans le dessin, en dehors de l’indéniable beauté du trait de Carmine Infantino (moins de dix ans après, Amazing Spider-Man, pourtant croqué par le grand Steve Ditko, ne soutient pas la comparaison), c’est le dynamisme de l’action ! La vitesse de Flash est particulièrement bien rendue, non seulement par les nombreux traits de vitesse mais aussi par l’agencement des cases et de la mise en page en général, ainsi, et surtout, que les nombreuses astuces visuelles de Carmine.
Cette modernité alliée à une riche variété de vilains et de personnages qui deviennent très vite iconiques de cet univers, mais aussi un environnement urbain très présent et ayant une part importante dans l’histoire et des postures dynamiques rendent ce premier tome indispensable.
Si Flash – la Légende affiche en gros sur sa couverture le nom du dessinateur Carmine Infantino, ce n’est pas parce que ce nom a plus de résonance que celui des scénaristes John Broome et Robert Kanigher, dont les scénarios et histoires reposant majoritairement sur la science-fiction ont façonné l’âge d’argent. Mais ce qui saute aux yeux de l’amateur de bandes dessinées, c’est l’aspect graphique des premières années d’aventure du Flash moderne, qui devient véritablement l’atout majeur de la série. Non seulement Infantino était en avance sur son époque autant en terme de narration que de mise en scène, mais il a également établi la représentation des trois-quarts de l’entourage de l’éclair écarlate, en particulier du côté des vilains. C’est ce qui fait de cet épais ouvrage un incontournable absolu pour tout fan de Flash comme de l’univers DC dans son ensemble, lequel n’aurait pas du tout le même visage aujourd’hui sans l’apport de ce père fondateur. Indispensable.
"With the first link, the chain is forged. The first speech censured, the first thought forbidden, the first freedom denied, chains us all irrevocably." -Jean-Luc Picard
Star Trek - The Next Generation / The Drumhead