Tiens chère Veggie, je n’avais pas vu ton post sur “Journal d’une vie tranquille”, qui paraît en effet un travail intéressant ! Le retour des Japonais de Mandchourie a été assez dramatique en 1945 / 1946, mais à moi il évoque de bien plus près celui de nos “Pieds-Noirs” Français d’Algérie en 1962 / 1963. D’ailleurs les relations entre Coréens et Japonais évoquent à s’y méprendre celles entre Algériens et Français, et pour cause ! J’ai étudié de très près pour mon roman “Little Japansky” le Mandchoukouo (chapitres ensuite presque zappés) ; il est intéressant de savoir que le “dernier empereur” Kang Deu (que les Occidentaux appellent de son nom de petit prince “Pou Yi”), étant Mandchou et non pas Chinois, se considéra à partir de 1932 comme restaurateur de son Empire, sous la protection du “Grand Japon”. Mais à partir de 1942 les Japonais lui enlevèrent toute indépendance, et expédièrent à coup de propagande des masses de paysans pauvres japonais en Mandchourie, d’abord avec grand succès ; puis ces paysans constatèrent que certes on leur donnait des terres, mais que le climat interdisait leur denrée alimentaire de base, le riz, au profit de la seule céréale “gaoliang”, mal supportée par leurs estomacs. Evidemment le régime militaire colonisateur leur interdisait le retour, enfin possible en 1945. Bref.
SHIRLEY, tome 1, de Kaoru Mori, nous est enfin distribué par le judicieux éditeur Ki-oon, 16 ans après sa parution ! C’est la première oeuvre de Kaoru Mori, brillante mangaka depuis, avec Emma et Bride Stories.
Comme le révèle la très amusante postface de l’auteure (j’adore la coutume japonaise des postfaces personnelles, qui semblent hélas négligées par les auteurs occidentaux de BD / Comics), Kaoru Mori a été inspirée par son adoration envers “les filles aux cheveux noirs coupés à la Jeanne d’Arc”, envers la douce mais battante Madame Hudson du Sherlock Holmes miyazakien, et envers l’animé encore plus miyazakien “Kiki la Petite Sorcière”. De là Shirley, orpheline de 13 ans embauchée comme femme de chambre par la sympathique Bennett, jeune dame à grande demeure mais trop occupée car elle tient un café dans le Londres de l’époque victorienne. La plausibilité de ce pitch est un peu limite, mais ça passe, les dialogues ne manquant ni d’esprit ni de charme ; c’est confirmé par les deux courts récits complémentaires à propos de deux autres bonnes, Nelly, puis Mary. On sent chez l’auteure l’intelligence, la finesse, l’aptitude à donner grâce et vérité à ses personnages, notamment jeunes femmes ou enfants. D’ailleurs en ce volume il n’y a que cela qui l’intéresse, car elle avoue avoir quasi-séché sur les scénarios et “être incapable de dessiner des gens méchants”. Après tout dans la vraie vie il ne se passe que de loin en loin quelque chose d’important, et seuls les imbéciles divisent les gens en bons et en méchants… Bref, Shirley est un petit personnage adorable, un peu timide mais très dévouée, et ce qui pourrait passer pour mièvre ne l’est nullement. Par exemple la fin de l’histoire consacrée à Mary Banks est excellente !
Cela me donne un peu envie de lire Emma, mais je crains une romance sentimentale, et je ne les supporte plus depuis un fatal événement de ma vie. Je préfère la petite “tranche de vie” insignifiante et innocente de Shirley.