Bon beh,quand faut y aller… Honnêtement j’avais beau avoir de gros a priori sur cette adaptation (basés sur des interview horripilantes ou des interventions sarcastiques de certains membres de la production et surtout sur le fait que ça venait de Netflix), j’espérais un peu quand même que cette série me donne tort. Alors j’ai regardé les dix épisodes, et j’ai attendu pour donner mon avis de tout avoir vu. Et j’ai vraiment vraiment pas aimé. Je préviens, ça va être acide.
En sachant que la série a été annulée, j’ai hésité à donner mon avis, parce que ça revient à tirer sur une ambulance, mais merde… et bien sûr, ça va aller à fond sur le sépaleur, z’êtes prévenus.
Cowboy Bebop Netflix
Autant commencer avec les personnages principaux, puisque c’est le premier problème de cette adaptation.
Spike est essentiellement fatigué et n’a ni fougue ni ce côté casse-cou limite suicidaire. Il manque également cruellement de compassion, et j’ai vraiment pas aimé l’aspect assassin qui prend plaisir à tuer. Si le Spike d’origine semble détaché de tout (en apparence), il n’est certainement pas cynique, ni fatigué.
Faye est très loin de la Faye de l’anime qui disait à Glen qu’elle préférait vivre en solitaire plutôt que de se sentir seule en groupe. Elle n’a aucune profondeur, tout ce qu’elle est est visible dès le premier épisode. Après on lui rajoute des trucs qui l’éloignent encore de sa version animée et qui n’ont aucun intérêt à tous les niveaux. Pire, elle est devenue le personnage du comique de service, avec option bien vulgaire, sinon c’est pas drôle.
jet est devenu un papa gâteau, et… à part ce changement de situation familiale et de couleur de peau, c’est le perso le plus proche de la version animée. Sauf qu’à la fin de la série il retourne sa veste en un tournemain, et même si je comprends l’intention scénaristique, c’est écrit avec le cul. Et sur ce point, l’épisode 10 est un open-bar.
Ein, il est trop mignon le chien. UN CYBORG !? O_o
Ed… Gné ? Finir la série sur ça, c’était vraiment pas la meilleure idée.
Et tous les antagonistes, du premier au dernier épisode, ne dégagent rien du tout, ils sont fades, inintéressants et sans le moindre charisme, à commencer par ce pseudo-Vicious qui est une honte absolue. Je sais pas si c’est fait exprès ou si c’est un choix conscient de l’acteur, mais à chaque fois qu’il s’apprête à tirer sur quelqu’un il fait les gros yeux et une moue ridicule de la bouche, et on dirait qu’il est constipé les trois-quarts du temps. Exprès ou pas, c’est affreux et grotesque.
C’est un larbin sans charisme qui essaie d’être effrayant, dépossédé de tout ce qui rendait le vrai Vicious efficace en tant qu’antagoniste. Il se fait ridiculiser par tout le monde, il n’arrête pas de parler, on est trèèès loin du méchant charismatique, taciturne et méthodique de la version d’origine, qui ne causait jamais de ses plans à personne et agissait au lieu de faire les gros yeux et d’être grognon tout le temps.
Je veux bien qu’on adapte, qu’on change certaines choses d’un univers et de ses personnages pour apporter quelque chose de plus personnel ou d’original, mais défigurer autant les personnages de base ? Pourquoi ne pas juste créer des histoires originales et éviter de réécrire celles qui existent déjà ? Parce que là tout ce que je constate c’est la fainéantise de la production, qui préfère adapter… modeler les perso à leur convenance pour qu’ils s’adaptent à la médiocrité de l’écriture. Comment trouver sympathique un gars comme Spike qui ici prend plaisir à tuer à tout-va ou encore Faye qui débite des gros mots toutes les deux secondes ? Comment éprouver du plaisir à voir des méchants qui n’ont pas un dixième de la classe ou de l’humour de leurs contreparties animées ?
Et quel est l’intérêt de refaire les mêmes histoires alors que toutes les inspirations de l’oeuvre de base passent à la trappe ou qu’elles sont totalement dénaturées de la raison de leur présence dans la version Netflix ?
Un exemple avec l’épisode 6, qui réinterprète l’épisode 23 de la série animée, Brain Scratch. À l’origine il s’agit de lier le problème des sectes avec celui de la dépendance à la télé. Dans la version Netflix, ce n’est qu’une société qui lave le cerveau de ses victimes avec un casque VR, mais on retrouve, comme dans l’anime, cette petite montagne de téléviseurs agglomérés qui symbolise l’IA qui prend possession de la personne piégée par le casque VR. Le symbole de l’addiction télévisuelle passe complètement à la trappe, tout ça pour qu’on nous rabâche que Spike, pardon, Fearless (…), recherche Julia et qu’on nous explique bien comme y faut ses tourments intérieurs. Bref, le symbole des télé est totalement vidé de son sens et n’a pas la moindre raison d’être dans la version Netflix.
Et quand la réalisation ne pique pas des plans directement à la source (la série animée), elle est terriblement fade et insipide (les cadrages pas droits c’est bouleversifiant). Et pourtant, les passages les plus intéressants et captivants de cette série sont ceux qui sont presque directement repris de l’oeuvre de base (moins le dynamisme et la nervosité des combats d’origine, qui sont ici lents et mous, et les gunfights…). C’est dire à quel point le reste est fade et aussi lourd que l’humour redondant et jamais inspiré.
Autre gros problème, cette envie de tout lier. La série animée est réputée pour ses stand-alone plus nombreux que le fil rouge (le passé de Spike et son lien avec Vicious), et qui pourtant définissent parfaitement la personnalité et le vécu de ses perso principaux. Ici, toujours dans ce sentiment que le spectateur doit être constamment tenu par la main, on raccorde les histoires à l’intrigue centrale. Le pire exemple est l’épisode sur Pierrot le Fou, alors qu’il s’agit de mon épisode préféré de l’anime, ce doit être celui qui m’énerve le plus sur Netflix, parce qu’il regroupe tout ce que je reproche à cette adaptation en l’espace de 40 minutes.
Non seulement on y implique inutilement Vicious, mais on vous fait également bien comprendre comment Pierrot fait ses “tours de passe-passe”, là où l’anime entretient un mystère efficace et un assassin qui ne parle presque pas (et dont on ne perçoit les origines que dans un montage presque épileptique d’images), la version Netflix fait en sorte de bien expliquer tout ce qu’il y a à savoir sur lui (à sa première scène d’envol, gros plan sur ses godasses anti-gravité). Et il parle le bougre, qu’est-ce qu’il parle (et pourquoi il cite le monologue final en VF de Blade Runner ?!) ! Tout ce qui le rendait effrayant et dérangeant est ici dégagé : le côté enfant attardé du personnage est extrêmement minimisé, tout comme le côté mystique, et donc le côté invincible, bref tous les effets que ces aspects apportaient disparaissent à cause de la sacro-sainte exposition orale… Et ce qu’ils font de Ein dans cet épisode, c’était le pompon. Il fallait absolument donner une raison à sa présence dans le Bebop ? Le lier à Pierrot ? En faire un cyborg ?
La scène d’intro de l’anime appuyait le côté malchanceux de Spike qui tombait sur Pierrot en plein meurtre alors qu’il sortait d’un bar, un bar à billard qui s’appelait “C’est la Vie”. Là encore on retire ici tout le sens ironique de cette scène de la version originale puisque Pierrot est envoyé pour tuer Spike par Vicious, il n’est pas là par hasard, et pourtant le bar garde le même nom…
Et le parc d’attraction futuriste qui se met en marche et agrémente l’aspect flippant est remplacé par un parc d’attraction morne et banal, sans vie, parce qu’évidemment le budget de la série ne le permet pas. Et c’est pour cette raison que les scènes qui se déroulent dans l’espace font juste acte de présence dans un ou deux épisodes histoire de rappeler que c’est une série de SF spatiale en premier lieu.
Adapté, privé de ses inspirations (Lupin III, John Woo, le cinéma de genre des années 60-70, les films noirs), que reste-t-il de Cowboy Bebop ?
Ses histoires, sans l’inventivité et la richesse de la mise en scène de Watanabe et de son équipe. Ses personnages, la plupart dénaturés et peu reconnaissables. Une écriture insipide qui ne laisse jamais la place aux non-dits, aux temps morts, aux poses, sans les polluer d’explications, de description de plans (Vicious qui explique ses plans, VICIOUS.qui.explique.ses.plans), d’exposition sur exposition. Tout ici doit toujours être expliqué, surligné, alors que l’anime tirait justement sa force de son spleen, de sa mélancolie, de sa retenue (que ce soit dans l’humour ou la tragédie), alors que l’anime comptait (à juste titre) sur son ambiance ainsi que l’implication et l’intelligence du spectateur (qu’il ne prenait jamais par la main) pour saisir les points de déferlement d’émotions fortes de l’histoire, plutôt que de leur montrer où c’est qu’y faut pleurer ou jubiler. Comment peut-on alors espérer de la nuance de la part d’une série qui arrête pas de nous prendre la tête à deux mains et nous montrer où regarder et comment penser ?
Une direction artistique frileuse qui veut gagner des points Twitter avec ses prises de position, quitte à se contredire, comme avec Faye qui est le SEUL perso récurrent à ne pas avoir ses véritables vêtements. Et si la motivation de ce changement vestimentaire est la recherche d’un pseudo réalisme, pourquoi les perso gardent les mêmes vêtements durant tout le show ? Cette idée de couvrir Faye de cette façon aurait été plus cohérente si cette série avait joué le jeu jusqu’au bout de sa logique et donné des fringues différentes à tous les perso et les aurait fait en changer à chaque épisode. C’est pas le cas, c’est hypocrite et prude, sous couvert d’un pseudo réalisme, parce qu’aujourd’hui une femme ne peut pas être sexy, quand bien même cela fait partie de la nature du personnage de base. À ce compte-là, je ne suis pas très curieux de voir à quoi ressemblerait une éventuelle adaptation de Cobra américaine, si tant est que ça se fasse un jour. Barbarella n’a qu’à bien se tenir !
Je n’aime pas l’idée que l’on érige la fantaisie et l’évasion en hérésie, sous couvert du sophisme “tout est politique”, et que chaque histoire, choix scénaristique ou vestimentaire doive être le fruit de compromis volontaires de l’équipe de production qui s’érige en gens honnêtes propres à satisfaire les passants honnêtes, comme dirait M’sieur Brassens. Le “Message” passe avant tout le reste maintenant, et c’est d’une tristesse affolante.
J’aurais pu en dire autant au sujet de Glen, mais il est tellement inutilisé que c’est inutile de revenir dessus. À ce compte-là, ils l’auraient appelé Edgar c’était pareil, et personne n’aurait saisi la référence. Il ne partage avec le Glen d’origine que le nom. Un peu comme Annie d’ailleurs.
C’est le divertissement tel que les américains le conçoivent aujourd’hui, du moins les grandes majors. Désolé si je parais hors-sujet, mais en fait pas vraiment (ni désolé ni hors-sujet), c’est un problème qui ne touche pas que cette série, une polarisation qui ne me plaît pas. Mais passons.
Pour moi, ce Cowboy Bebop Netflix n’est qu’une coquille vide, qui reprend des histoires et des perso de l’oeuvre originale vaguement ressemblants de loin, en plissant les yeux, mais retire tout ce qui rendait l’oeuvre unique. C’est une tentative d’adaptation qui n’assume pas l’ADN de l’original, qui n’assume pas sa mélancolie. Cette adaptation a beau me dire et répéter que ses personnages traînent des casseroles et quelques tragédies, je n’y crois pas un instant parce que les intentions, la direction, ne se reflètent pas avec ces propos, que ce soit pour le comportement des perso comme pour la mise en scène. C’est un joli cosplay, les clins d’oeil sont certes sympathiques, l’intérieur du Bebop est réussi, mais ça reste un cosplay adapté, de plus à une sauce qui ne me plaît absolument pas. Et le résultat est visible, c’est aseptisé, affadi. Le meilleur symbole en étant l’absence de cigarette dans le Bebop. Et c’est pas parce que vos personnages parlent de cul et tuent à tout va que ça contrebalance la chose. Au contraire ça l’éloigne plus encore de l’oeuvre originale. Et j’ai à peine abordé les limitations pécuniaires qui empêchent de mettre en avant l’un des aspects principaux les plus clinquants de l’anime, la science-fiction spatiale et les superbes dogfights qu’il nous a servis.
Le public général, pas le plus au fait de l’oeuvre de base, n’a pas suivi, et les fans purs et durs, dans la majorité, n’ont pas apprécié, du coup pas de saison 2 et perso ça ne m’a pas fait lever un sourcil. Je dirais même que ça m’a soulagé, après avoir vu Ed.
Et j’ai du mal à comprendre les intentions à travers cette adaptation : refaire les mêmes histoires et changer les caractérisations de manière aussi drastique… pourquoi ne pas avoir fait l’inverse, créer de nouvelles histoires et garder ce qui fait la force et l’essence des personnages à la base ? Les gens auraient alors été bien plus indulgents. Moi j’aurais été plus indulgent en tout cas. J’ai pu m’en assurer avec l’épisode 9 qui a certes repris pour base les quelques séquences de flash-back sur la relation Spike-Vicious-Julia de l’original, mais qui pour le reste a évité de refaire un épisode de l’anime et a véritablement essayé de sortir quelque chose de neuf à partir de ce postulat. Alors certes, Vicious est toujours aussi malmené et ridiculisé, et certains choix sont très discutables (comme avancer que Vicious et “Fearless” sont des amis d’enfance… vu le rapide revers de Vicious à son encontre, je n’y crois pas du tout, c’était vraiment l’info en trop), et ça faisait très fan fiction, mais c’est la seule fois dans cette adaptation où à aucun moment je n’ai eu l’impression de voir un rip-off du vrai Cowboy Bebop. Les choix y sont entièrement assumés, et avec cette base ils auraient très bien pu faire quelque chose de plus intéressant. S’ils avaient essayé, seulement essayé…
On pourra me rétorquer que c’était pareil avec l’épisode 10, rapport à Julia et son pétage de plomb, mais hors de question d’excuser une écriture des personnages et des retournements de situation sortis du trou d’balle d’un babouin, sous couvert d’un choix, éculé ces dernières années du côté d’Hollywood, d’aller à contre-courant des attentes. Ce genre de procédé exige des talents d’écriture que je ne reconnais pas à cette série.
Et c’est même pas une mauvaise série, elle est médiocre voire moyenne par moments, mais c’est une mauvaise adaptation qui fait tout de travers, et pas un truc agréable à voir.
"With the first link, the chain is forged. The first speech censured, the first thought forbidden, the first freedom denied, chains us all irrevocably." -Jean-Luc Picard
Star Trek - The Next Generation / The Drumhead